Troisième volet de l’aventure qui unit Laetitia Masson à Sandrine Kiberlain, Love me explore à nouveau la destinée sentimentale d’une jeune fille d’aujourd’hui. Cette fois-ci, l’héroïne ne se confronte pas au contexte socio-economique (par exemple, l’association chômage-difficulté d’aimer dans En avoir ou pas), mais à un passé peuplé de fantômes qui la hantent. Il s’agit donc avant tout dans Love me du trajet psychanalytique qu’une femme doit parcourir pour se débarrasser de ses encombrantes visions et enfin parvenir à s’investir sentimentalement. Parmi les figures qui la rattachent au passé, on trouve la mère qui l’a abandonnée (la très belle Aurore Clément) et le père de substitution, Lennox (Johnny Hallyday, surprenant de sobriété), la star qu’elle idolâtre depuis toujours. Malgré l’artificialité du dispositif, trop lisible pour être vraiment crédible, l’argumentation tient le coup grâce à la mise en scène de Laetitia Masson. Mêlant rêve et réalité, présent et passé, la cinéaste sème le trouble dans sa fiction par le biais d’un efficace travail de montage qui a le mérite de sortir le film des sentiers battus d’un certain classicisme à la française.

La relation entre la star et sa fan permet à la cinéaste de jouer sur les clichés inhérents au monde du rock’n’roll : Memphis, les bars, la nuit, la guitare et le whisky. Quelques très beaux moments réussissent à capter l’aura que projette le chanteur et à rendre palpable l’admiration fanatique. Malgré tout, Laetitia Masson semble s’être prise au piège de son propre jeu et rien de vraiment passionnant ne ressort de son travail sur l’imagerie glamour, si ce n’est une fascination de midinettte pour Johnny Hallyday ! Sans cesse sur le fil du rasoir, les plans de Love me alternent entre beauté pure et ridicule, bien aidés en cela par des dialogues souvent apprêtés et poseurs. De même, ce troisième épisode en compagnie de Sandrine Kiberlain n’enrichit aucunement la collaboration entre la réalisatrice et son actrice fétiche. Sur le mode de la redite, le travail de Laetitia Masson se contente de répéter des situations déjà vues dans ses précédents opus (un entretien filmé sur le mode documentaire, une audition où elle chante, etc.).

Si Laetitia Masson possède un talent indéniable pour créer des ambiances et construire un ton et une poésie qui lui sont propres, reste maintenant à dépasser le niveau du constat simpliste (c’est dur d’aimer) pour nous offrir un discours plus conséquent et donner une âme à ses belles images.