Le Village de Nadya possède une genèse bien particulière, née d’une singulière relation entre un étranger et les habitants d’un village à l’histoire tragique. En 1991, Dudichi se trouve en plein épicentre de la zone contaminée par la catastrophe de Tchernobyl. Photographe accompagnant une équipe de médecins japonais bénévoles, Motohashi subit, devant le spectacle de ces humains pris dans la tourmente d’un événement d’une ampleur comparable à celle des bombes atomiques lancées pendant la Seconde Guerre mondiale, un choc émotionnel et artistique dont naîtra un recueil de photographies. Dénuée de tout voyeurisme de mauvais goût, la démarche de Motohashi est un contre-pied aux images attendues, ce dont témoigne cette citation à l’origine de son travail : « J’y ai vu un homme humble qui prend sur lui les conséquences de l’erreur humaine sur une nature grandiose. » Face au drame, le Japonais préfère ainsi se tourner du côté de la vie, vers ceux qui ont choisi de ne pas quitter leur village, sans porter de jugement moral sur cette décision et ses conséquences. Ce qui le fascine plutôt, c’est cet attachement à la terre dont font preuve ces gens. Un attachement si fort qu’il s’éprouve envers et contre tout.

Prolongement esthétique et théorique de son travail photographique, Le Village de Nadya est le premier long métrage de Motohashi. Si l’on s’étonne d’abord devant les partis pris de mise en scène (caméra fixe sur pied et absence de zoom) proches du statisme qui caractérise les images sur papier, le déroulement temporel du film nous livre la clé de ces choix. En effet, Le Village de Nadya nous convie à une expérience de la durée au cours de laquelle chaque situation est libre d’évoluer dans sa brièveté comme dans sa longueur. La principale consigne de Motohashi à son chef-opérateur était de filmer le plus longtemps possible les moments choisis. De cette structure temporelle découle un rythme particulier en accord avec celui des villageois. C’est ainsi que la lenteur de certains plans s’harmonise avec leur mode de vie : pas de voiture, des trajets qui s’effectuent en charrette, une nourriture issue du long mûrissement des produits de la terre. Motohashi rend hommage à ces gens en restituant de leur vie une image et une durée qui leur sont fidèles. Devant la beauté étourdissante des plans de Motohashi qui nous présente une nature conforme à ses propos, c’est à dire « grandiose », on oublierait presque que ce village aux allures normales est clos par quatre portes sur lesquelles figure un panneau « défense d’entrer ».