Premier long métrage de Wang Chao, L’Orphelin d’Anyang fait partie de ces oeuvres clandestines réalisées en Chine, pays où l’Etat -par le biais d’une censure pointilleuse- entend bien régir l’ensemble de la production cinématographique. N’ayant pas demandé d’autorisation de tournage, Wang Chao a donc filmé en toute marginalité, loin des circuits officiels et c’est cette indépendance, obtenue au prix fort car le film ne sera, du coup, jamais visible pour le public chinois, qui rend cette oeuvre si précieuse. A l’instar de cette nouvelle génération de cinéastes comme Jia Zhang-ke (Platform), Lou Ye (Suzhou river) ou Lui Bingiang (Le Protégé de madame Qing) qui ont choisi la voie d’un cinéma intimiste et résolument autonome, Wang Chao nous propose sa vision de la Chine contemporaine, celle des petits bourgs plus que celle de la capitale, représentation trop exemplaire et moderne de cet immense pays. Comme l’on peut s’en douter, le cinéaste porte un regard sans concession sur sa patrie gangrenée par une misère galopante et les trafics frauduleux des triades locales.

Tourné dans un style sec et parcimonieux, L’Orphelin d’Anyang fait beaucoup penser aux films du Kazakh Darejan Omirbaev, ce qui n’est finalement pas très surprenant quand on sait l’admiration commune de ces deux cinéastes pour l’oeuvre de Robert Bresson. C’est donc suivant un récit dénué de toute dramatisation, faisant la part belle à la retranscription presque brute des faits et gestes de ses héros, que Wang Chao nous raconte les mésaventures de sa famille recomposée. Alors qu’il vient de perdre son boulot, un homme accepte de s’occuper du bébé d’une prostituée en échange d’argent. Fatiguée de squatter les karaokés glauques en compagnie du parrain local, celle-ci s’installe chez l’homme et un semblant de famille prend bientôt forme. Hélas, le souteneur de la belle n’entend pas lâcher son gagne-pain aussi facilement… Pris dans un engrenage infernal, les protagonistes de L’Orphelin d’Anyang ne peuvent même pas accéder au peu de bonheur (bien grand mot au regard des motivations de ces êtres réunis pour des raisons plus pratiques que sentimentales) auquel ils aspirent. C’est donc finalement à un constat assez glauque qu’aboutit Wang Chao, même si la froide mécanique déroulée par son récit n’évite pas toujours les travers didactiques du témoignage édifiant et limite de fait quelque peu la portée du message.