Un avion s’est écrasé. Miraculeusement indemnes, quelques rescapés tentent de se remettre du drame avec l’aide d’une jeune psy (Anne Hathaway). Mais quelque chose cloche : pourquoi les passagers disparaissent-ils un à un ? Et qui est ce responsable de la compagnie qui rôde dans les parages ? Epaulée par l’un des survivants (Patrick Wilson), la jolie psy mène l’enquête. Enième succédané du Sixième sens, Les Passagers indifférerait royalement si une part indécidable ne se nichait entre ses plans. Cotonneux, mal assuré, le film toupille comme une valse-hésitation, avance par évitement plutôt qu’avec les engrenages de son scénario, perdu dans un entre-deux ingrat mais toujours équivoque, à deux doigts du nanar, à trois d’un Shyamalan. La chaîne d’événements est bien là, avec ses rebondissements téléphonés et son twist faisandé, mais c’est comme si elle sautait sans prévenir. La scène d’amour, celle du bateau, les apparitions du chien, l’escapade à moto… Régulièrement, Les Passagers se fait la belle vers un autre horizon, vers un autre film discernable dans le lointain, avant de revenir, résigné et penaud, dans le chemin balisé de son script. Une tendance au hors-piste qui ne sauve jamais vraiment le film, mais l’ébrèche in extremis.

Parfait écho de cet objet gazeux, Anne Hathaway joue l’évanescence jusqu’au bout. Tantôt angoissées, tantôt enamourées, ses grandes pupilles roulent d’un bord à l’autre de ses yeux, avec un mélange de candeur forcée et d’accès de sincérité qui est aussi celui du film. Petit à petit, son corps lui-même devient paradoxal – ici opaque, là transparent – s’imposant à chaque plan sans jamais vraiment l’habiter. C’est sa présence nuageuse qui offre au film ses meilleurs moments, comme cette histoire d’amour déconnectée de tout autour de laquelle le scénario gravite sans s’y attacher pour de bon. Le regret est là d’ailleurs. Tout à préparer son fameux twist, Rodrigo Garcia passe à côté de ce qui se joue en travers, préférant nous ramener à la surface de son film plutôt que d’explorer ses warp zones. Jusqu’à la mise en scène, plan-plan au possible, qui ne dit rien de ce qui se trame, n’offre aucune autre lecture que celle de l’emballage, quand le sujet se prêtait à mille trouvailles graphiques et photographiques (songeons à ce qu’en auraient fait Shyamalan ou Asif Kapadia). Malgré de purs instants d’apesanteur, le sort des Passagers était donc scellé d’avance : à force de faire des loopings avec un scénario en plomb, on finit toujours par se crasher.