Nouveauté au bestiaire de la putasserie humanitaire hollywoodienne : l’opportunisme thérapeutique. Jennifer Lopez plaide la cause des Mexicaines assassinées dans les ruelles de Juarez, cité portée par le capitalisme sauvage et l’immigration clandestine à la frontière des Etats-Unis. Avec une lucidité toute lopezienne : la misère, la violence, les injustices du monde, tout ça c’est vachement dur à supporter, d’autant qu’on n’y est forcément pour quelque chose. Sauf qu’elle est latino, alors logiquement elle ressent mieux et souffre davantage.

Cela dit, c’est bien connu, J-Lo est une femme ambitieuse, trop arriviste nous coupe-t-elle, larmes de crocodile à l’appui ; du coup, elle n’a pas de famille, c’est moche. Heureusement, une bonne cure d’horreur tiers-mondiste, ça tonifie toujours. Sommée de couvrir l’insécurité des femmes de Juarez, elle recueille une jeunette sortie indemne d’un viol, d’un coup sur la tête et d’un enterrement sauvage dans le désert (au Mexique, il y a beaucoup de vent, ça aide pour sortir de terre). Notre Tintin au féminin fera d’une pierre plein de coups : elle reconquiert son intégrité de journaliste, se découvre un coeur gros comme ça (en plus d’un trauma personnel, la mort de son papa ramasseur d’oranges, grand moment), arrête de se teinter les cheveux pour retrouver ses racines (je suis latina et j’assume, you know). Ah oui, elle fait si bien son boulot que son boss refuse de publier son papier. La faute à ces salauds de groupes industriels qui rachètent les journaux, comme dans Révélations.

Quoi d’autre ? Antonio Banderas en Albert Londres chicano n’est pas ultra convaincant (même s’il parle super bien espagnol), Gregory Nava, Pygmalion-tâcheron de Lopez, a regardé des cassettes des films d’Alan Parker et adore les effets clipesques, surtout ceux du plus mauvais goût (la résurrection de la jeune femme, sommet de kitch dont le film ne se relèvera pas). Ce qui trouble n’est pas tant la nanardisation, plutôt standard, des Oubliées de Juarez, que la manière de poser le tiers-monde en pur alibi marketing. Cela tient moins au sensationnalisme du genre qu’à la psychanalyse en creux de Jennifer Lopez, épouvantablement nauséeuse. Au delà de la récupération citoyenne facile, c’est la médiocrité absolue de l’actrice, sa face peinturlurée, sa façon de jurer, de pleurer, de s’indigner tel un petit robot pailleté, qui pourrit le film jusqu’à l’os, l’asphyxiant de maniérisme graisseux. Au final, tout vire ici à la mascarade, entre cynisme et pitié. Lopez ne parvient même plus à authentifier ses origines : tout chez elle inspire la suspicion, le cabotinage, le pré-fabriqué. Plus qu’une coquille vide, ce film est un sarcophage.