Avant Les Joueurs, John Dahl a réalisé trois polars assez réussis dans leurs atmosphères poisseuses (Kill Me Again, Red Rock West, Last Seduction). En général, ses personnages sont désespérément perdus dans une intrigue plus ou moins complexe jouant avec les lois de ce genre éternel et fondateur du cinéma américain : le film noir. Les Joueurs lui permet de retrouver cet univers de prédilection, mais cette fois-ci, dépourvu d’une intrigue s’y rapportant.
Mike (Matt Damon), étudiant en droit, décide d’arrêter de jouer au poker après avoir perdu toutes ses économies devant Teddy KGB (John Malkovich). Ayant pris de nouvelles bonnes résolutions pour réussir dans la vie sociale et professionnelle, encouragé par sa compagne Jo (Gretchen Mol), Mike ne pourra résister au jeu lorsque Worm (Edward Norton), son ami d’enfance tout aussi obsédé par le poker, sortira de prison. Les Joueurs est peut-être le meilleur film de son réalisateur, qui a su tirer profit d’une bonne distribution encadrée par de fortes figures secondaires (John Turturro, John Malkovich, Framke Janssen et Martin Landau), et de décors authentiques livrant au spectateur curieux un monde secret et à part concernant presque toute la société new-yorkaise. A mi-chemin entre La Couleur de l’argent de Scorsese pour l’évocation d’un univers exclusif (le billard) et Les Arnaqueurs de Frears pour la destruction par l’argent, des valeurs sociales, sentimentales et familiales, la force des Joueurs réside, d’une part dans une peinture frénétique et minimaliste des comportements des joueurs et, d’autre part, dans la fascination qu’exerce, sur nous spectateurs, les morceaux de bravoure que représentent ces parties de poker.