Don Quichotte aurait-il eu raison de Gilliam la guigne ? Possible, à en juger ce Brothers Grimm, retour forcé au conte baroque de ses débuts pour remettre d’aplomb la désormais célèbre débâcle dans un avenir incertain. On dira ce qu’on voudra, que Miramax a remonté le film, que Gilliam ne voulait pas de Matt Damon ou qu’il a du réécrire le scénario à la dernière minute, fait inédit pour lui, toujours est-il que le cinéaste a bel et bien perdu de sa superbe, rentrant dans le club des vieux croulants pour qui le poids des ans est synonyme de radotage. Pire : il y a dans ce Frères Grimm un tel grippage, un tel dessèchement que c’est l’oeuvre entière de l’ex Monty Python qui en prend pour son grade.

Franchement plaisant, le sujet ne laissait augurer telle déception, quoique voir Gilliam renouer avec une franchise abandonnée depuis le Baron de Munchausen pouvait faire peur. Mais bon, transformer le fameux duo en arnaqueurs felliniens dans une Allemagne envahie par Napoléon semblait plus que jouable. L’ouverture laisse d’ailleurs cette impression tenace que le cinéaste tient enfin le bon bout. Visuellement d’abord, grâce à son lyrisme médiéval pour le coup intact, qui vaut d’ailleurs mille fois un gothique deuxième main de Burton, et un sens du mouvement toujours réjouissant (décadrages, plans-capharnaüms qui explosent dans toutes les directions). Dialectiquement ensuite, la distance de l’arnaque permettant au dispositif de trouver une dynamique nouvelle, où le cinéaste passe du graphisme potache à la farce truculente.

Le problème vient cependant du récit qui s’enraye en multipliant les tableaux jusqu’à plus soif. Entre les méchants napoléoniens, le village, la forêt enchantée, la mise en scène patine, s’embourbe même totalement. Pourtant, la profusion a toujours fait partie intégrante des meilleurs Gilliam, sauf qu’ici, problème de timing et / ou manque criant de confiance (on sent à chaque plan un soucis de performance digne d’un Christophe Gans), le film, pénible et épuisant, s’appesantit sur tout et rien (la mise en abyme du conte, l’effet de manche de loin le plus pathétique et le plus laborieux), perdant totalement sa grâce aérienne et son énergie narrative. Reste alors, par delà les redondances scéniques (un plan, toujours le même, d’arbre mouvant inséré à chaque incursion dans la forêt) et l’humour fracassé (personnages désincarnés du premier au dernier), une poignée de fulgurances qui permet de rêver au film parfait qu’aurait pu être Les Frères Grimm s’il avait été réalisé il y a vingt ans.

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