Méfiance. Steven Zaillian s’attaque aux Fous du roi de Robert Rossen, grand classique oscarisé adapté d’un non moins vénérable prix Pulitzer. Le pitch : en Louisiane, la lutte des classes personnifiée par l’ascension d’un politicard self made man au détriment de la haute bourgeoisie. Si l’un est populiste et cynique, les autres dissimulent sous leur élégance une âme félonne. Au milieu, un jeune journaliste issu des beaux quartiers, qui, séduit par le discours du politique, accepte moyennant gros sous d’exhumer le passé trouble de son père spirituel, un vieillard malicieux et sage comme un philosophe qui, mystère, fabrique des catapultes miniatures. Cogito, malaise et gravité pour le jeunot. Surtout qu’en sus, son amour de toujours s’en trouve souillé à jamais. Dur, dur.

Les Fous du roi condense ce que la branche adulte d’Hollywood peut faire de plus fatigant. Steven Zaillan confond classicisme et académisme, avec la bénédiction de son casting, tout fier d’enfiler costumes amidonnées et mines dépitées. Incarnation de cet affaissement pétri d’orgueil, Sean Penn, nouvelle muse du faux cinéma indépendant mi-festivalier mi-oscarisable. Après The Assassination of Richard Nixon de Niels Müller et 21 Grammes d’Iñárritu, il confirme dans l’auto-parodie stérile et l’exposé politique bas du front. En gros, la meilleure petite frappe des années 80 / 90 est transposée dans un cadre trop large, trop flottant pour elle, symptôme mégalomane bien connu. Au fond, sa prestation relève du même malaise que son activisme hors cinéma : on ne doute pas un instant de sa sincérité mais on ne peut pas s’empêcher de pouffer, de trouver ça lénifiant, facile. On s’en fout, quoi.

Plus que son labeur à dérouler les figures hollywoodiennes imposées, c’est surtout ce souci de prestige qui énerve tant dans Les Fous du roi, cette propension à édulcorer une œuvre sûrement passionnante. Bien sûr, d’aucuns diront que le film est plus que jamais d’actualité, ce qu’hurle effectivement Steven Zaillian. Que dit-il ? Que la corruption fait partie intégrante de la nature humaine (hélas), qu’elle est un cancer de la démocratie (deux fois hélas). Merci pour l’info. Quoi d’autre encore ? La fin d’une époque, la déchéance magnifique des grands bourgeois. Ah oui, on oubliait. Zaillian se prend pour Visconti. Steven, on n’y croit pas.