Au regard de son sujet (retracer l’histoire d’amour tumultueuse entre George Sand et Alfred de Musset) et de sa distribution (Robin Renucci, Karin Viard, Isabelle Carré, Patrick Chesnais, Denis Podalydes en seconds rôles), Les Enfants du siècle a visiblement été conçu pour endosser le costume de la traditionnelle grosse-production-française-populaire fondée sur l’alibi historico-littéraire. Habituellement, ce genre de grosse farce est destiné à stimuler l’industrie française de la pellicule et du carton pâte (peut-on parler dans ce cas de cinéma ?), divertir un troupeau bêlant sa fierté (et suintant l’ignorance) devant l’évocation de notre belle littérature (sait-il au moins de quoi il parle ?), et accessoirement parader piteusement aux Césars au motif de l’intérêt national. Mais cet honteux ratage ne parviendra même pas à remplir ces misérables objectifs, car Diane Kurys vient ajouter aux tares chroniques de ce genre de bouillie nationale un manque évident de savoir-faire.

D’un bout à l’autre, Les Enfants du siècle repose sur une construction qui obéit à un mode aléatoire. Les scènes s’enchaînent sans aucune autre forme de logique que celle du plus parfait hasard, le montage se limitant à assurer l’existence d’une bobine de 2h15. L’architecture du film se trouve ainsi privée de toute expressivité formelle. Les brusques interruptions de plans sans justification, les enchaînements abrupts destinés uniquement à faire avancer le récit, l’absence d’une cohérence minimale, finissent par affecter également la dynamique du film. Ni rapide, ni poussif, le rythme imposé se révèle chaotique. La présence d’une tension régulière minimale, exigée par ce type de production, fait ainsi cruellement défaut. Mais ce sentiment d’aléa se répand bien au-delà du seul montage pour venir polluer jusqu’à la psychologie, pourtant bien simplette, des personnages. Ainsi, l’action se trouve régulièrement ponctuée d’une ribambelle de réactions (colères, pleurs, fuites, etc.) sorties d’on ne sait où, parfois même contradictoires ou tout bonnement incompréhensibles. Une telle entreprise commerciale et populaire est nécessairement vulgarisatrice. De l’usage de cette règle, la réalisatrice ne s’est pas privée.

Peut-être est-ce l’influence néfaste du piètre compositeur de hits eighties (Murray Head) sur le scénario qui cantonne les dialogues à de vaines discussions costumées ? En alternant de manière récurrente extraits arrachés aux œuvres des deux protagonistes et sentences amoureuses superficielles, Diane Kurys mène inexorablement une campagne débilitante parfaitement relayée par ses deux acteurs. Benoît Magimel, prisonnier d’une adolescence prolongée (stéréotype récurrent du jeune rebelle), n’aura pas la palme cette fois-ci. Elle revient haut la main à Juliette Binoche (frôlant le cas pathologique), éternel sourire en coin avec ricanements incontrôlés, qui n’a semble-t-il pas bien du saisir le sens de cette passion amoureuse. Reste, pour faire passer le temps, à traquer le plus bêtement du monde les anachronismes. En voici déjà deux : de magnifiques et étales traces d’avions dans le couchant au dessus du couple amoureux enlacé, un appareil dentaire qui équipe le jeune soliste d’une chorale cadré en gros plan. Si le cœur vous en dit…