Très remarqué lors du festival des Trois Continents de Nantes l’année dernière, Les Coupeurs de bois est l’un des cinq films produits par an au Vietnam. De ce pays, on ne connaît jusqu’ici que les images de Tranh An Hung, œuvres hybrides produites par la société bretonne Lazennec, filmées sur fond de rock indé européen, assez conformes à l’image touristique que l’on s’en fait : doux, souriant, nimbé de vert et de pluie.

A côté, Les Coupeurs de bois déroute, nous rappelle que le Vietnam est un pays communiste pauvre. Il nous parle de solidarité et de travail. Pas de temps pour la contemplation métaphysique chez Vuong Duc, réalisateur terre à terre mais pédagogue subtil. La beauté de ses images vient de leur brutalité ; la lumière y est naturelle. Le rythme semble idéalement adapté aux cadences de travail. On pourrait alors craindre le pensum officiel, mais le cinéma chinois nous a déjà prouvé que c’est des marmites les mieux fermées qu’on extrait les plats les plus épicés. Les Coupeurs de bois commence ainsi par un portrait iconoclaste de Buong, tueur de chiens la nuit et restaurateur le jour. C’est parfois leur propre bête qu’il sert à manger aux villageois. Premier message assez éloigné de la ligne du Parti dans cette introduction : il faut bien manger, chacun se débrouille comme il peut. Une des villageoises particulièrement attachée à son toutou brûle la paillote du restaurateur. Personne n’aide Buong à éteindre le feu, alors que les convives avaient bien apprécié l’endroit. Deuxième message, qui courra tout le long du film : les Vietnamiens sont des communistes modernes, c’est-à-dire paradoxaux.

Buong part alors au fin fond du pays trouver du travail dans une exploitation forestière, accompagné du jeune Ngoc et de membres de sa famille. L’équipe se retrouve lâchée en pleine forêt par un patron inflexible. Le travail est dangereux. Drôle de film « communiste », décidément, qui parle de « l’Etat » propriétaire du bois, et montre surtout ses accointances avec le capitalisme. Le patron sera par la suite souvent hors champ, comme venu d’un monde que la propagande refuse de voir. Et notre ex-cuisinier de chien bouilli deviendra dès lors définitivement sympathique en doublant son employeur… pour se faire plus de « bénef’. A quand la start-up ?

Ce qui ne l’empêche pas de faire un coup tordu à son protégé, Ngoc, par pure jalousie. C’est que la fille du patron, l’adorable Quy, vient ravitailler les travailleurs. Elle renvoie ces hommes à leur solitude ; Ngoc pensant du coup à sa fiancée laissée au village. Ces flash-back surannés, et la bluette maladroite dans la forêt entre « la fille du patron et l’ouvrier » n’en restent pas moins sincères. Ils donnent surtout un coup fatal à la propagande : nos « camarades », en fait, pensent bien peu au travail. Le film aura beau esquisser une fin moraliste, il ne peut qu’inspirer la sympathie.