Sublimes créatures, Warm bodies, Les Ames vagabondes : ce début d’année se sera révélé plus post-Twilight, plus stephenie-meyerien que jamais. Des cinq Twilight sortis depuis 2009 à ce bouquet d’ersatz, un genre s’est indéniablement mis en place, pas du tout négligeable, quoique les films n’aient jamais vraiment retrouvé le niveau de celui, inaugural et étonnamment réussi, de Catherine Hardwicke. Un certain nombre d’éléments communs peuvent être repérés : d’abord, une même manière d’appréhender le fantastique comme métaphore (les affects adolescents comme mutations et superpouvoirs), sur les pas de la série Buffy ou la trilogie Spider-Man. Ensuite, une volonté de relecture légère du genre : après le film de vampire, de loup-garou, de sorcière, voici le film de zombie, croisé à la romcom (Warm bodies), puis le film de body snatcher (Les Ames vagabondes), auxquels les scénaristes font subir, chaque fois, d’astucieux détournements (passage par exemple d’une logique d’affrontement entre les humains et les « autres » et une logique d’entente). Enfin et surtout, ce point a été suffisamment abordé, une manière étonnamment frontale, en même temps qu’assez ironique, de s’affronter aux fantasmes des jeunes filles.

 

Les Ames vagabondes ne restera pas comme le meilleur cru. On pourrait à bon droit se moquer, par exemple, des facilités éhontées d’un scénario qui n’hésite pas à s’en remettre aux expédients les plus sommaires pour écarter un personnage une demi-heure, le remettre au centre, révéler un secret – l’oncle comprend les choses, il faudra bien le croire puisque, sous ses airs d’original, il est, nous dit-on, un génie. Plus embarrassante, la vision de l’humanité, de ce qui nous distingue des « autres », dénote un esprit pour le moins borné : l’humain est un peu rustre et querelleur, peut-être, mais tellement vivant, au fond, au regard du monde uniformisé que les envahisseurs s’apprêtent à installer. Un tel degré de platitude a de quoi effarer.

 

Le problème réside surtout dans la fadeur des personnages et des acteurs. Rétrospectivement, beaucoup de la réussite du premier Twilight tenait à la véritable étrangeté du personnage de Bella, à la langueur toute victorienne. Son coup de foudre par ailleurs convenu pouvait  s’expliquer de cette manière : au-delà du beau ténébreux, c’est toute la famille Cullen qui la fascine par sa morgue aristocratique. Il est vrai que la série, sur ce plan, ne devait pas tenir toutes ses promesses, et que le personnage est allé s’affadissant. La comparaison avec la Mélanie des Ames vagabondes (figure coriace et sans ambiguïté, dont prend possession une « âme pure » guère plus passionnante)n’en reste pas moins cruelle. Beaucoup de l’échec du film de Niccol se joue sans doute ici, dans son incapacité à proposer des figures un tant soit peu équivoques, ou fouillées. Il suffit de comparer le père de Bella et l’oncle cabotin sans intérêt de Mel, les amis de high school de la première et les membres parfaitement interchangeables du groupe de rescapés chez qui trouve refuge la seconde, pour mesurer combien ce manque de relief lui est préjudiciable.

 

Restent cet éternel et curieux mélange de naïveté et de second degré, cette manière d’installer des moments purement sentimentaux au sein d’un récit qui apparaît alors curieusement suspendu, et l’illustration un brin convenue, mais souvent convaincante, des premiers émois amoureux et sexuels. Et puis cette belle idée d’un corps à partager (la fille et son « hôte » jettent leur dévolu sur deux garçons différents) : incongruité burlesque qui offre au film ses meilleurs moments et, malgré toutes les bêtises qui s’accumulent au cours de la dernière demi-heure, laisse un vague espoir quant à la suite annoncée de la série.