Au départ, deux mamelles piquées à Gatlif et Costa Gavras : tolérance à tous les étages, manichéisme de livre d’histoire et biopic qui en dit aussi long sur l’homme que son contexte. L’homme, c’est Jean Cennac, intellectuel Algérien, pied noir homo et martyr des ethnies minoritaires. Le contexte : les années 70 à Alger, dix ans de démocratie qui vacillent dans le fanatisme religieux. Mais malgré le particulier à super vocation de général (l’intello en herbe, le pro-immigration), malgré les envolées lyriques pétries d’appel à la paix et d’utopie poétique, malgré l’attendu binôme acteur star / héros mythique, le discret Abdelkrim Bahloul parvient à rafraîchir conjointement le biopic et la politique fiction.

Rafraîchir, c’est bien le mot. Du quasi black out d’images algériennes, Bahloul n’exploite aucun fantasme de reconstitution ou d’imagerie exotique. Il filme les murs blancs, les rues et les plages avec un classicisme qui confine à une neutralité pure et parfaite : juste un décor méditerranéen posé comme une évidence, petit théâtre universel qui sert le message fédérateur du film et sur lequel on ne reviendra pas. Une clarté du trait qu’on retrouve pour le traitement des personnages. Un ou deux gimmicks de comportement (Cennac arrive toujours à la bourre, et salue gentiment chaque second rôle), une réplique clé suffisent à les définir. Ainsi guidé, le film a le temps de se concentrer sur ses axes les plus importants : Berling en néo-Jésus Christ, la poésie, l’idéal politique, une délicate compassion pour le peuple algérien, du plus infâme au plus angélique.

D’où une douceur diffuse, où la pureté du message, le soin apporté aux dialogues et à la diction incarnent le décor et l’imagerie. C’est en filmant cette béatitude que Bahloul se montre le plus percutant : à mi-chemin entre un conte de Rohmer et un téléfilm pour France 3, Le Soleil assassiné récite ses utopies avec une grâce dégraissée de spectaculaire. Bel -et rare- équilibre, où poésie et théâtralité disent justement le réel.