Ça fait mal, c’est vrai, de décerner un satisfecit à Roland Emmerich et dans la même semaine coller un carton jaune à Kiarostami (10 on Ten et (Five). Pourtant, on peut bien l’écrire après tout, Le Jour d’après est une honorable attraction foraine et sans doute -même si c’est un peu couillon de le dire comme ça- le meilleur film de son auteur. Un peu couillon parce que Emmerich n’est pas vraiment notre ami, ses ruades droitières ayant plutôt l’habitude de nous casser au moins les oreilles. Independance day, sa crotte la plus célèbre, s’est fait le modèle absolu du blockbuster haineux pré-bushien (c’était en 95), avec son président-pilote sauvant le monde en flinguant de l’alien, du non-WASP, à tour de bras. Dans Le Jour d’après, au moins, le président US ne voit pas le générique de fin, surgelé qu’il est quelque part au-dessus du territoire américain.
Ce n’est pas la seule qualité du film, qui fantasme à coups d’impressionnants tsunamis numériques un bouleversement climatique soudain plongeant l’hémisphère nord dans un froid polaire. Efficace, assez bien mené, pourvu d’effets spéciaux vraiment soufflants, sans trop d’épanchements lacrymaux (un peu quand même) ni trop d’humour de bidasse, Le Jour d’après se laisse voir. Curieux même, lorsqu’il embrasse la politique le temps d’une rigolote et ironique anticipation des rapports Nord / Sud si l’Amérique se trouvait plongée pour de bon dans un chaos groenlandais : le Mexique se retrouve lieu de refuge pour les Yankees, qui se voient obligés de traverser la frontière clandestinement, les autorités mexicaines ayant fermé la porte devant l’afflux des réfugiés avant de l’ouvrir… contre l’effacement de leur dette extérieure. Curieux comment une revendication verte (le réchauffement de la planète) et disons alter-mondialiste sert d’alibi à un gros gros spectacle tel que celui-là. Certes le propos politique de Emmerich n’est en soi pas plus évolué que l’humanisme de gauche de Paul Wolfowitz, mais exhibé dans le film comme un effet spécial parmi d’autres, il fait mouche, aère un peu le tout, calme le jeu de la démonstration de force technologique. Ça fait mal et pourtant c’est vrai, et on n’aimerait ne plus jamais avoir à écrire ça : plutôt que le Kiarostami, allez voir le dernier Emmerich, c’est quand même moins chiant.