Après Old boy, le meilleur film de Park Chan-wook à ce jour (disons le moins mauvais), voici Lady Vengeance, variation féministe de la première imposture de Park, le navrant Sympathy for Mister Vengeance. Quoi de neuf ? Rien du tout, sinon une manière d’aller encore un peu plus loin dans la posture arty qui sied si mal au réalisateur si académique et vieillot qu’est en réalité Park Chan-wook. Scénario de trois tonnes : une jeune femme, incarnation de la pureté absolue, est emprisonnée à tort pour le meurtre d’un enfant commis en réalité par un terrible petit sadique, incarnation du mal absolu. Sortie de prison, elle a l’idée du siècle : retrouver les parents de chacune des victimes de l’infernal petit sadique, incarnation du mal absolu, et leur offrir en sacrifice le bourreau de leur progéniture. Vient alors la grande question : que faire de l’atroce petit sadique ? Le tuer ? Le torturer ? Le rendre aux mains de la justice ?

Cette hanekisation d’un propos aussi profond que celui d’un drame psychotique de Jean-Marc Barr (une pensée émue pour Too much flesh) donne l’occasion du pire : un croisement complètement dégénéré entre thriller purulent à la Justicier dans la ville et film d’auteur moraliste. Le plus drôle est la manière dont le cinéaste, avec ses gros sabots crottés (10 minutes de faux snuff où l’héroïne force les parents à regarder le film compile des enfants torturés), s’en tire par une pichenette de toute beauté : quelque chose qui ne ressemble à rien, ni exécution sommaire ni choix trop évident de la raison, mais une bonne dizaine de minutes, encore, où l’immonde petit sadique devenu victime se fait triturer sans que l’on sache (attention puissance du hors-champ) ce qui se passe vraiment. Vient la grande séquence rituelle, dîner et cérémonial macabre où les parents se retrouvent autour d’une table sans que l’on sache, une fois de plus, où tout cela nous mène vraiment. Le film franchit alors la barre fatidique des deux heures, dépassant la durée officielle du bon nanar pour entrer dans les terres bien plus ingrates du gros pensum léthargique et plombé -la différence est de poids.

Poids de l’ennui que propage le film bien sûr, sorte de bric-à-brac invertébré dissimulant sous sa forme éclatée (attention puissance de la déconstruction) une pluie d’invraisemblances et de retournements grotesques. Incompréhensible et fumeux, le récit de Lady Vengeance n’en révèle pas moins en quelque minutes sa profonde bêtise, accentuée par une mise en scène qui, en se lâchant comme jamais, se laisse aller aux plus douloureuses kitscheries : auréole autour de la tête de l’héroïne (attention puissance de la référence, en l’occurrence L’Ange de la vengeance de Ferrara), couleurs pétaradantes et musique pompière type Champion’s League. Alors pourquoi 1 (la note) ? Parce que le phénomène Park a déjà fait long feu et qu’il parvient, par ce vertige métaphysique soudain, à dépasser son habituelle provoc pétasse pour entrer de plain-pied, et sans passer par les barrages, dans le champ très privilégié, très VIP, de notre bien-aimée Constellation de la lobotomie heureuse.