Un Paprika pour jeunes filles ? La Traversée du temps n’a pas la folie visuelle ni l’ampleur métaphysique du film de Satoshi Kon, adapté lui aussi d’un roman de Yasutaka Tsutsui. Pas de réel vertige, mais plutôt l’acharnement maladroit d’une lycéenne qui voyage dans le temps pour essayer d’arranger son quotidien tant bien que mal, en défaisant ici ce qu’elle fait là.

Malgré une graphie et une imagerie bien connues – écolières en jupettes, gamins coiffés en pétard -, on se laisse embarquer par la figure moins attendue d’une héroïne casse-cou. Makoto, l’adolescente à la coupe garçonne passe son temps à jouer au base-ball avec ses copains, à dévaler les rues en vélo comme une dératée ou à trafiquer en cascadeuse sur les rouages compliqués du temps. Ni mentale ni éthérée, la traversée du temps selon Hosoda n’a rien d’une glissade : gamelles et ecchymoses transforment le voyage en épreuve très physique (et parfois burlesque). Rien de commun avec les translations abstraites des mangas virtuels. Makoto se jette littéralement vers le passé, elle bondit à rebours du temps en vol plané dans l’espace et atterrit sans ménagement la tête la première quelques minutes plus tôt.

Tout se joue dans un embranchement temporel dramatique (un accident de vélo) qui vient approfondir la romance. La voix off de la soucieuse Makoto en prise avec ses regrets et ses appréhensions, rappelle celle d’une autre héroïne en passage, Lain (Serial experiments Lain de Ryutaro Nakamura). Tandis que la voix flotte, une mélancolie parfois même morbide se propage insidieusement. Difficile de ne pas penser à Hiroshima (le roman date des années 60) lorsque l’image s’arrête sur une horloge fatidique et lorsqu’autour d’une détonation temporelle le mouvement se fige sur des plans de ciel nuageux ou de ville arrêtée. Heureusement inactuelles, les traversées inquiètes de Makoto ont la saveur d’un ancien temps, celui de la mémoire et du lointain.