Avec La Ronde de nuit, le ron-ron continue : culte de l’artiste, enquête tortueuse et musique répétitive énervante. Cette fois-ci, Greenaway s’attaque à Rembrandt. Au sommet de sont art, le maître hollandais se voit commander un tableau représentant la milice d’Amsterdam (qui deviendra sa célèbre toile, La Ronde de nuit). Tandis qu’il prépare son travail, le peintre fouineur découvre un complot criminel et décide au risque de tout perdre de le dénoncer dans sa toile.

A grand renfort de gueulantes théâtrales et de bavardages migraineux, l’exégèse compliquée remonte aux origines de La Ronde de nuit. Fouille romanesque de l’image, certes le projet est excitant mais totalement théorique. Entre Cluedo et Da Vinci Code, Greenaway déroule le pourquoi du comment et perce laborieusement le mystère de la toile énigmatique : qui est la fillette dorée du second plan, perdue au milieu des soldats ? Que fait le tireur central ? Pourquoi son casque est-il orné d’une feuille de chêne ? Au bout d’un cheminement volontairement obscur, la toile est dévoilée et les pièces du puzzles rassemblées bien naïvement. Totalement écrasée par les élucubrations, la pénombre picturale est réduite à une sombre histoire d’argent, de cul et de vengeance. La tentation de détective est aussi néfaste au peintre (qui perd dans l’affaire gloire et fortune) qu’au cinéaste.

En cours de route, exercice de style maniériste : filmer à la manière de, tout en éclairage à la bougie, clairs-obscurs, compositions frontales et costumes d’époque. L’équation bécasse donne pourtant quelques belles réussites de lumière et de couleurs. Comme souvent, Greenaway fait mouche avec les plans en extérieur (jolies scènes dans les prés en fin de journée). Le discours l’emporte pourtant, une thématique pompeuse et datée trace des associations lourdingues : peinture, sexe et sang, ressassement autour de la hantise de cécité (« le peintre devient aveugle pour avoir trop vu ») et portrait de l’artiste en jouisseur décadent. Bref, on apprend un peu sur le peintre et son tableau (c’est déjà ça de pris), mais bien sûr, ce ne sont qu’hypothèses pas dupes embrigadées derrière l’étendard du simulacre (procédés théâtraux ultra exhibés et grotesque excessif). Beaucoup de bruit pour rien, donc. Après 2h05 d’un jeu de piste postmoderne éprouvant, on n’aura qu’une envie : voir des images muettes et immobiles.