Les divas du cinéma ont disparu, c’est un fait. Fini les Monroe, les Garbo, les Dietrich, ces stars omnipotentes capables de générer sur leur seul nom une superproduction tout à leur gloire. Aujourd’hui, même les reines incontestées du box-office se plantent, qu’elles s’appellent Julia Roberts (voir The Mexican) aux Etats-Unis ou Sophie Marceau en France. Toute la campagne promo de La Repentie aura consisté à nous persuader du contraire. Comme si l’industrie du 7e Art nageait en plein âge d’or hollywoodien. Comme si le grand public pouvait encore se satisfaire d’une présence, d’un corps en particulier, sans se soucier du film qui lui est voué. Annoncé à grand renfort de mystère et de slogans abusifs (le fameux « elle nous a manqué » de la bande-annonce), La Repentie tente de nous faire croire à la persistance du mythe Adjani. Isabelle Adjani, petite chose fragile et éthérée dont tout le monde ou presque se fout depuis des siècles. Adjani qui ne s’est jamais vraiment remise de ses années fastes, cette courte période (1975-1981) où elle enchaînait les chefs-d’oeuvre en compagnie de Truffaut (L’Histoire d’Adèle H.), Polanski (Le Locataire), Herzog (Nosferatu) ou Zulawski (Possession).

Davantage qu’un film, La Repentie est un état des lieux, une sorte d’Isabelle A. par Isabelle A., autoportrait vaguement fictionnant où l’on constate que Camille Claudel n’a pas pris une ride, que son devenir mutant est en bonne voie, qu’elle ne s’est jamais autant repue d’elle-même, et que ce narcissisme outrancier a quelque chose de franchement dégueulasse, insupportable et pathétique. Surtout lorsqu’une telle entreprise, suicidaire à force de ridicule, est encouragée à coups de millions et d’euphorie artistique de la part de toute une équipe. A commencer par Laetitia Masson, cinéaste médiocre convaincue que sa rencontre avec Adjani suffirait à engendrer un film digne de ce nom. Résultat : une actrice en roue libre pendant plus de deux heures, quasiment seule à l’image, dévorant ses partenaires comme le scénario. L’histoire ? Une sarabande infernale où se bousculent les simulacres affectés de la folie et de la passion selon Charlotte, héroïne tête à claques et double romanesque de la star. Tout juste sortie de prison, celle-ci prend le premier train pour le soleil et débarque à Nice, sur la Promenade des Anglais, où elle rencontre un homme richissime (Sami Frey) qui lui propose de lui tenir compagnie moyennant finances. Mais attention, Adjani n’est pas une pute, non, juste un être imprévisible et extravagant qu’on paye afin qu’elle assure le spectacle, qu’elle surprenne, et, in fine, qu’elle révèle ses blessures (la pauvrette a grandi en banlieue et peine à assumer son image de bobo égratignée par la vie).

On pourrait écrire des pages sur l’horreur de La Repentie, son mépris des petites gens, son infinie prétention, le vide intersidéral de ses images et de ses dialogues, son mauvais goût en général (Adjani et sa robe immonde, son ombrelle et sa valise Louis Vuitton, pieds nus sur la plage : on aurait presque pitié). Triste film en vérité, où une tâcheronne derrière la caméra semble attendre que « sa » star produise un peu de cinéma. En vain. Quand Adjani danse comme une possédée sur du Jeff Buckley, il ne se passe rien et on a honte : honte pour cette actrice qui s’imagine pouvoir tout transcender par une grâce aux abonnés absents, honte pour la réalisatrice qui la conforte dans cette idée sans le moindre recul. On leur souhaite à toutes deux une bonne grosse débâcle financière, histoire de les ramener sur terre et de gâcher leur rêve indécent de petites filles gâtées et capricieuses.