Rangeons notre esprit critique au placard. La Nuit au musée, Jumandji bis avec des morceaux de Ben Stiller dedans, fait du calibrage sa force première. Rarement film n’aura laissé trace plus délébile sans qu’on lui en veuille une seconde. Parce que Shawn Levy, yesman responsable de la nouvelle Panthère rose ou Treize à la douzaine n’est ni un méchant, ni un gros patapouf : il s’avère plutôt un bon ouvrier sans autre ambition que celle d’assumer sa vocation d’honorable machino de l’humour. Son association avec Steve Martin provoquait autre chose. Il soulignait le malentendu cultivé par le quinqua grimaçant durant de longues décennies : évoluer en fol histrion dans la médiocrité ambiante, s’en prendre à tout le monde -à Blake Edwards, au système, à lui-même. La Panthère rose, surtout, montrait cela : plaisir de tout tâcher, de bâcler, de s’intercaler dans les rouages de la comédie tel un petit esprit malfaisant.

Rien de tout cela dans La Nuit au musée, film nickel à tous points de vue. Scénario plaisant et bien huilé, petite bande d’acteurs dont la complicité est déjà posée, effets spéciaux soignés : Levy cherche l’atemporalité autant que l’universalité. Stiller reste Stiller mais il saute dans les habits d’un Rick Moranis : papa immature, petit mec irresponsable à l’esprit farfelu, toujours bouffé par son milieu naturel et obsédé par son gamin. Un peu comme le film lui-même pouponne son public en le ménageant à chaque scène, en anticipant le moindre détail. Voilà sans doute pourquoi La Nuit au musée ne décolle jamais, que Stiller & Co ne prennent pas l’abordage : le film a la saveur d’un parcours fléché. L’intérêt n’est pas d’être surpris mais de se gargariser de ce qui a déjà servi, de ce qui marchera toujours.

Malgré sa fadeur, ce professionnalisme à tout crin impressionne tant il regorge d’efficacité naturelle. Le parallèle avec le cinéma français s’impose très vite : alors que la France patine à recopier, ou s’approprier toute sorte de franchise avec une sauvagerie dégénérée (d’Incontrôlable à L’Ile aux trésors) ou un sinistre ego (imaginez le même film pris en charge par les Robins des Bois), la machinerie américaine, même en pilotage automatique, possède une grammaire aboutie. La Nuit au musée en fait la démonstration la plus probante : formaté mais sans une once de médiocrité.