La Maison jaune emprunte d’abord des chemins plaisants mais relativement balisés. On pense au road movie façon Straight story : dans les Aurès, un père traverse le pays en tricycle à moteur pour aller récupérer le corps de son fils et le ramener à la maison. Le voyage presque sans parole, à deux à l’heure sur l’autoroute, se complait dans une lenteur bien ficelée, rythmée par une petite musique mélancolique, puis change de vitesse et accélère avec nonchalance (enlèvement acrobatique du cercueil + prière express de l’imam devant un garage). Croisement inattendu, les circulations, courses ou relais dans des paysages arides rapprochent cette fois l’Algérien Amor Hakkar du cinéma iranien de Kiarostami : un convoi de mariage enchaîne avec la course effrénée d’une fillette relayée par l’odyssée en tracteur bricolé, et le tout finit sur l’installation du courant électrique à la maison. Le mouvement et l’acharnement incessant des personnages ne remonte pas le temps mais parvient à la dernière image du fils vivant, une lettre-vidéo où il s’adresse à sa famille en gros plan. Aussi réussi soit-il, ce trajet rectiligne pourrait laisser sur sa faim. Pourtant, le film n’est pas indigent. Une fantaisie et une sensibilité originales viennent étoffer la ligne droite, déplaçant le scénario du père vers la mère, du corps retrouvé vers le deuil impossible. Le cinéaste prend le temps de filmer les changements de lumière, ses acteurs, les temps d’attente et d’hébétude. Du père, interprété par Hakkar lui-même, émane une douceur et une émotion sans mièvrerie, principalement dans le couple complice qu’il forme avec sa plus grande fille (Aya Hamdi) qui le seconde courageusement pour rendre son sourire à la mère. Le récit s’épaissit d’une naïveté enfantine toujours contrebalancée par un sens salvateur de l’économie. Les péripéties maladroites des personnages et le filmage soigné produisent un équilibre singulier.