Qu’attendre de Dany Boon réalisateur ? Tout et rien tant la carrière de Dany Boon acteur laisse augurer le néant absolu, entre pochades nanardisantes (Le Déménagement) et contre-emplois grimaçants de blaireaux au grand coeur (Joyeux Noël). La Maison du bonheur, tirée de sa pièce de boulevard, la joue modeste. Il s’agit plus de s’adapter aux us et coutumes de la comédie française que de révolutionner le genre. Se fier donc au marketing du film pour y déceler ses racines : on est encore au théâtre avec un casting très music-hall et au boulevard via l’affiche veberienne. Dany Boon ajouterait bien un soupçon de comédie sociale à l’anglaise, mais ne pousse pas le bouchon trop loin. Si le film est sociétal, il ne reste percutant que lorsqu’il décrypte ce que le comique connaît le mieux : les néo-bourgeois parisiens.

L’histoire est celle d’un radin congénital (Boon) qui décide de forcer sa nature par amour pour sa femme (Michèle Laroque qui laroquine comme à son habitude), qui, lassée par tant d’économies de bouts de chandelles, quémande un gros cadeau. Envoûté par un agent immobilier véreux (Prévost), il achète une résidence secondaire en banlieue parisienne pour faire la surprise à Madame. Mais le naturel revient au galop au moment de restaurer la demeure : en lieu et place de professionnels trop chers, ce sont deux margoulins qu’il paye au black, avec la bénédiction ricanante de l’agent immobilier. Pas de quoi grimper aux rideaux, surtout quand il cherche à se démarquer du théâtre (les cascades en voiture, assez pathétiques), mais la formule roule toute seule. Entre quiproquos et portes qui claquent, Dany Boon se pose en artisan de la déconne, pas assez cinéaste pour laisser aux acteurs le soin d’insuffler une folie persistante, pas assez prétentieux pour les négliger complètement.

Mais finalement, le film théorise bien son sujet, en grand écart permanent entre générosité forcée (le côté appliqué du film) et avarice inconsciente. D’abord strictement plaquée comme pour une bande annonce (Dany Boon attend les heures creuses pour prendre les appels téléphonique de sa femme), elle coupe de plus en plus le spectateur du personnage que le cinéaste veut pourtant fédérateur. C’est paradoxalement à ce moment que La Maison du bonheur s’incarne en Dany Boon, le vrai, mec populo et sympa, mais quand même vachement plus riche que nous, dont les préoccupations et autres folies financières peuvent tout au plus attendrir un Delarue ou un Arthur (qui à part eux aurait envie d’acheter une maison située à cinq minutes de son chez soit bien aimé ?). Mais contrairement à Francis Veber, figure tutélaire du film pour son coté fable sociologique, Dany Boon n’est pas un grand bourgeois mais un ancien pauvre et le film peut prendre en charge le cynisme social avec une légèreté insoupçonnée. Il faut voir la manière dont il filme les errements des ouvriers, passages lunaires et enlevés, quasi dalvadoriens pour le délire collectif pour s’assurer de sa profonde générosité. Dans l’absolu, le cinéma pour lui relève d’un bon plan inoffensif où l’argent permet tout parce que c’est pour de faux. Impossible de lui en vouloir.