Producteur avisé des thrillers virtuoses d’Alejandro Amenábar (Tesis, Ouvre les yeux), José Luís Cuerda a participé de manière active au renouveau du cinéma espagnol Mais apparemment, l’homme souffre d’une douce schizophrénie puisque lorsqu’il réalise lui-même, toute trace de l’audace de ses productions disparaît pour laisser place à un cinéma de pépé qui fait de jolies images pour raconter une jolie histoire.

Agrégat de trois nouvelles de l’auteur galicien Manuel Rivas (toutes tirées du recueil Et alors, tu m’aimes, chéri ?), La Langue des papillons se déroule dans un petit village de la région de l’écrivain, quelques mois seulement avant le déclenchement de la guerre d’Espagne. Pour peu de temps encore, avant la chape de plomb des quatre décennies de franquisme, on jouit innocemment de la liberté apportée par la République et un petit garçon de 8 ans, Moncho, s’apprête à vivre l’un des grands moments de son existence : son premier jour d’école. Très vite, va s’établir une relation privilégiée entre l’instituteur humaniste, sage incarnation des valeurs républicaines, et le garçon, fasciné par la découverte du savoir et de la vie (pour traduire cet enchantement, le jeune interprète dispose d’une palette réduite à l’extrême : des yeux en permanence écarquillés qu’il ne ferme réellement que lorsqu’il dort…).

Le vieil homme et l’enfant partent ensemble explorer la nature et font de longues balades dans une campagne galicienne lumineuse qui, en raison du contexte historique, prend des allures de paradis perdu. La fusion entre les trois nouvelles ne se fait pas toujours de manière harmonieuse. On le ressent en particulier à propos de l’histoire de l’excursion de la fanfare dans l’autre village ; un long interlude qui interrompt inutilement le récit. Mais l’artificialité de l’adaptation n’est que le défaut mineur d’un film sur une époque bénie qui oscille entre douce nostalgie et sentimentalisme pour finalement tomber dans la plus grande des mièvreries. Sans son final brutal -une irruption inattendue de la trahison à travers la répudiation collective des « rouges » du village-, La Langue des papillons aurait pu aisément être qualifié de version ibérique, légèrement politisée, du niais Cinema paradiso.