Autoproclamé premier film hexagonal du genre, réalisé par une ancienne « proue » journalistique du cinéma bis, La Horde a su créer son buzz en investissant le genre avec une production contournant la modestie de son budget par son ambition artisanale et bon enfant. On ne pourrait que concéder, devant un tel aveu « d’humilité », l’amorce d’une redoutable efficacité. Soient deux clans (flics et gangsters) qui, au lieu de s’entretuer pour une quelconque histoire de vengeance (un des agents s’est fait plombé par l’une des racailles), se voient piégés dans une HLM assaillie par des zombis. Contraints de s’organiser face à la horde sauvage, tous jouent le jeu de la solidarité forcée et s’engagent gaiement dans la Béotie d’un génocide décomplexé.

Première nouvelle : la version finale du film a été remontée au cordeau, débarrassée d’une introduction (insupportable de bouffissure, il est vrai) trop longue, afin de précipiter le carnage dans une cité prête à cracker. Preuve en est : les réalisateurs se déchargent très vite de toute afféterie théorique pour inaugurer la frénésie tant espérée d’une tuerie hardboiled en milieu cannibale. Pourquoi pas, d’autant qu’un plaisir sincère à créer entre potes un abattoir gore à la gauloise se fait souvent sentir. On éclipserait presque le ridicule des dialogues, entre un vade-mecum fendard du meilleur d’AB Productions et la malencontreuse résurrection de la bonne vieille gouaille à papa (un personnage, vétéran d’Indochine, jure comme un transfuge mal dégrossi d’Audiard). Certes, les choix de casting n’embellissent pas l’affaire (Aurélien Recoing et Claude Perron en roue atrocement libre). Mais ils prétextent au moins la dispense du psychologique pour la synergie barbare pure (mais, dans ce cas, pourquoi employer des acteurs venus de la scène ou du cinéma d’auteur ?).

Hélas, la chair putréfiée reste triste devant cette nonchalance éperdument bornée à user des codes d’un genre comme d’un jouet. A se complaire dans l’anarchisme frontal, Dahan et Rocher sombrent sous leur amas d’indolence. L’erreur serait de questionner la légitimité d’un critique à passer derrière la caméra pour tomber dans les mêmes travers qu’il dénonçait. Une portée sociale aurait sans doute occulté le constat d’une réalisation trop foutraque. Le décor de nos banlieues précaires est la seule idée solide du film. Il ne reste autour (par peur de choquer une doxa démago ?) qu’une texture de fond d’écran. On aura beau prétexter le manque de moyens – les scènes d’action échappent paradoxalement au cheap ambiant – ou avancer l’éternelle excuse de l’inadéquation cinéma français / série B, La Horde ne se complait finalement que dans une posture de malade imaginaire comme on en a vu tant d’autres.