Il semblerait bien qu’Anne Fontaine ait revu ses ambitions à la baisse. Après le consternant Nathalie… (mélo en carton se rêvant en trip wong kar-waïen), après l’étrange Entre ses mains (polar de choc en plastique), Fontaine s’en est retournée à la petite comédie télévisuelle décharnée, dans la lignée d’une Tonie Marshall pour bobos cinquantenaires. La Fille de Monaco confirme ce revirement salutaire : sans la moindre ambition, le film décrit avec une belle sobriété l’ébrèchement mental d’un avocat pris dans le tournis d’une amourette de sitcom. Comme on ne se refait pas, Fontaine essaie bien de faire passer, ça et là, la contrefaçon de mélo pour un drame psychosensuel profond (musique pompeuse, élégance de surface), mais dans l’ensemble, La Fille de Monaco, à l’image de son titre archi-bâtard, laisse flotter un agréable parfum de fantaisie discount. Il faut dire que Lucchini, qui vieillit décidément bien, porte à lui-seul 90 % du film et que sa distance et son ironie offrent une délicieuse soupape aux vanités qui crépitent de temps à autre.

C’est au fond le seul mérite du style horriblement bourgeois de Fontaine : celui-ci est si pingre qu’il n’offre rien d’autre qu’un décor tiré à quatre épingles, une grille d’affects cristallisant tous les clichés sociaux (Roschdy Zem en garde du corps, Louise Bourgoin en nympho bêtasse qu’on évacue en un plan) dans lesquels l’acteur principal n’a plus qu’à se débattre tout seul. Or Lucchini, comme Poelvoorde dans Entre ses mains, n’a pas son pareil pour se tirer de pareil traquenard : ne jouer que pour soi, s’ouvrir un boulevard pour briller en solo, comme si le reste n’existait plus. Le one-man-show Lucchinien, voici la seule petite réussite de cette œuvrette où tout sonne faux. La preuve, c’est quand un vrai film semble enfin commencer (l’élimination de la nymphette, comme dans un vieux polar) que La Fille de Monaco se termine. Il ne manquerait plus qu’Anne Fontaine se prenne pour une cinéaste.