Adultère mode d’emploi, acte II. Trois semaines après l’ouragan Roüan et son manifeste hyper-féminin sur la dépression amoureuse (Post coïtum animal triste), voilà, sous une forme beaucoup plus apaisée, une variation masculine sur le même thème -à savoir : coup de foudre du mec plutôt très confortable dans la vie, marié et un bambin, au tournant démoniaque de la quarantaine, pour une petite blondinette qui n’a pas l’air mais qui en touche. Bien élevée, la jolie fera mine, juste le temps qu’il faut, de compatir au sort de l’épouse offensée, avant de se prêter au jeu dont elle aura tôt fait de tirer les ficelles…

L’attrait du film ne réside pas vraiment, on s’en doute, dans le choix d’un sujet particulièrement éculé (comme chez Roüan, d’ailleurs). Harel ne révèle rien de révolutionnaire sur la question, au contraire, il en cache ou en tait beaucoup plus qu’on aurait aimé en voir ou en entendre. Ce qui est dit l’est avec justesse et sincéritéte -le parti pris du dialogue « courtois » au sens XVIIIe siècle fonctionne assez bien-, les deux personnages s’avèrent tour à tour ou simultanément odieux et sympathiques, comme convenu, mais quant au pourquoi intime de leur relation, on reste franchement sur notre faim. Là où Roüan osait clairement l’histoire de cul, Harel parasite son récit par des thèmes exogènes -la fille semblant plus souvent intéressée par les palaces ou les restos trois étoiles que par le type lui-même ; l’allégresse avec laquelle elle se joue de lui (scène effroyable du test HIV) ou le trompe carrément ne faisant qu’accroître le malaise. Passion amoureuse, oui, mais à sens unique -sentiment confirmé par le postulat formel du réalisateur : tout filmer à la « première personne », l’objectif de la caméra restituant le regard du personnage masculin.

Pari gonflé, et à demi gagné : le procédé supposait une subtilité et une rigueur syntaxique que le film ne possède pas toujours, loin s’en faut. Pourquoi, par exemple, nous révéler le visage d’un amant par définition fantasmatique et poser ainsi, d’emblée, les limites de l’exercice ? Cependant, il fallait une comédienne suffisamment charismatique pour porter d’un bout à l’autre un projet qui s’épuise un peu en fin de parcours : et là, Isabelle Carré s’en sort haut-la-main. Ceux qui ne connaissaient pas la jeune comédienne (qu’on avait surtout remarquée au théâtre, ou dans Beau fixe, de Christian Vincent, en 92) seront stupéfaits de l’aplomb et de la grâce avec lesquels elle assume une situation difficilement défendable. Harel n’a peut-être pas réalisé un grand film, mais il aura révélé -et dirigé- une actrice généreuse. C’est déjà beaucoup.