L’édition DVD de La Féline de Paul Schrader est un petit chef-d’oeuvre. Sous ses airs minimalistes, sa jaquette un peu ringarde, un trésor. D’abord, le film : rare, méprisé, oublié. Il s’agit pourtant de l’un des meilleurs de son auteur, et ne doit en aucun cas être considéré comme un remake du film de Tourneur. Pas grand chose ne subsiste de l’intrigue du film de 1942 : une vague histoire de femme se transformant en panthère noire lors de ses sauvages accouplements, et c’est tout. Le reste a tout à voir avec Schrader et surtout avec l’ambiance illicite d’un tournage orgiaque et cauchemardesque. Obsession mortifère pour une sexualité trouble et poisseuse, vices en tous genres, atmosphère suffocante, couleurs hallucinées des paradis artificiels : jamais le réalisateur du mythique Etrange séduction n’était allé si loin dans ses expériences-limites de petit protestant hardcore devenu grand débauché du Nouvel Hollywood. Visuellement, le film est un joyau des années 80 aux plans classieux, archi-sophistiqués, pulsés par les musiques envoûtantes et synthétiques de Bowie et Moroder. Il est, avec Le Sixième sens de Michael Mann ou Police fédérale L.A. de William Friedkin, l’un des chefs-d’oeuvre du maniérisme visuel des années 80 : un essentiel.

Les bonus maintenant : c’est sur ce point que le DVD surprend le plus. Loin des ordonnancements élaborés de tout collector, un vrai bazar. On y trouve aussi bien une interview avec Robert Wise totalement déplacée (qui parle de Val Lewton et de Tourneur) que des pièces extraordinaires telles qu’une étude des effets spéciaux du film ou un documentaire mené de main de maître par Schrader sur la genèse du film. Mais plus encore que ceux-ci ou que le commentaire audio passionnant du cinéaste, un bonus fait office de pièce maîtresse : Schrader répondant aux questions d’une jeune et candide journaliste sur le tournage même du film, en 1982. Le résultat est faramineux : un Schrader en débardeur, musclé et huilé à outrance, qui débite des réponses laconiques avec un regard de tueur. Outre l’intelligence du cinéaste qui jaillit à chacune de ses répliques-équations, son ironie et son malaise dressent un portrait pris sur le vif du plus étrange et atypique personnage de la « film school generation » des années 70. Rien que pour une telle archive, il faut se précipiter sur cet incontournable DVD dont le prix riquiqui (11 euros, pas un de plus) dissimule une pluie de merveilles obscures et fascinantes.