A rebours des interminables débats sur la féminisation de l’homme qui fleurissent sur les plateaux télé, Patric Jean entend nous rappeler que tout n’a pas changé, que le machisme ordinaire a la vie dure et ne sera pas éradiqué de sitôt. On lui sait gré de ne pas tomber dans l’illusion bobo qui consisterait à voir en tout homme un métrosexuel délicat et fragile, de signaler la permanence des violences conjugales, du sexisme d’une partie des livres et jouets pour enfants. Patric Jean mène sa barque avec une certaine vigueur, mais s’expose aussi au reproche de l’éparpillement. Le film qui s’ouvre sur la description des opérations chirurgicales d’allongement du pénis (attention symbole), se perd vite dans des considérations psychanalytiques vaseuses et se mue en une dénonciation tous azimuts, ce qui est rarement la meilleure idée.

La Domination masculine ressemble finalement assez à une prise de conscience d’adolescent, expérience déprimante lorsqu’elle nous est assénée avec un inutile sérieux par un type de 30. A-t-on vraiment besoin d’un Deuxième sexe pour les nuls, soixante ans après et indifférent aux mutations qui ont eu lieu dans l’intervalle (on y revient) ? De plus, le constat reste extrêmement superficiel. Lorsque le cinéaste interroge les adeptes du masculinisme, cette défense de l’homme perçu comme discriminé, et bien souvent machisme rance, on voit bien qu’il ne guette que la petite phrase, la formule odieuse (humainement) et atterrante (intellectuellement). Non que cette « pensée » mérite beaucoup mieux ; le procédé montre tout de même les limites d’un docu façon M6. Au même titre que l’inclusion de la tuerie perpétrée contre une dizaine de jeunes filles de l’école polytechnique : acte unique d’un déséquilibré ou exutoire outré d’une société machiste qui se sent menacée dans sa masculinité ? On peut en débattre, mais que le cinéaste choisisse sans sourciller cette deuxième option apparaît discutable. Même les témoignages de femmes battues, pourtant les scènes les plus poignantes, ont une valeur sociologique toute relative : Patrick Jean observe un désarroi immédiat, mais omet de préciser que le phénomène est nettement en baisse (de plus de 40% en dix ans, selon l’institut de statistique du Québec).

Le plus ennuyeux est que le film reste à ce point imperméable aux évolutions constatées ces cinquante dernières années et ne fasse même pas semblant de se coltiner la question, ignorant qu’on observe pourtant de nets changements dans les rapports hommes-femmes entre la génération de nos parents et celle de nos grands-parents ; la nôtre et celle de nos parents. Entre l’illusion bobo naïve et le pessimisme chagrin (l’homme reste ce sale type misogyne et violent), il y avait sans doute la place pour un peu de dialectique. Pour un portrait dynamique de la masculinité contemporaine, personnel et habité, prenant en compte les permanences autant que les mutations, et toute une gamme d’évolutions parfois contradictoires, on se rapportera plutôt au magnifique I love you, man passé scandaleusement inaperçu en juillet.