Marvel, suite (et révision) : la version Leterrier de Hulk est dans la moyenne basse mais se regarde sans déplaisir. On sait à quoi tient cette version 2.0, moins suite que tabula rasa, retour au pur cahier des charges comic book : parce qu’Ang Lee n’avait pas respecté le devis, sa version fut reçue vertement par ses commanditaires. Trop psy (le gros noeud oedipien où il serrait l’intrigue, il est vrai un peu balourde, entre Hulk et son papa), trop abstraite aussi, quasi expérimentale dans sa deuxième partie. Cette dimension-là était assez séduisante, qui contournait malicieusement le principe dynamique de la fable au géant vert. Soit celle, perpétuelle, d’un acting out impossible, d’une pulsion interdite : Bruce Banner s’énerve et devient trop grand pour le décor et sa paire de Wrangler. En quoi Hulk, par définition, est forcément un monstre urbain. Ang Lee, lui, avait pris le parti assez malin de le mettre au vert. Dans la seconde partie du film, le mastard enflait à vue mais le cadre toujours plus large réduisait l’opération à néant, l’enregistrant bondissant comme une puce dans un désert sans bornes où il n’avait plus rien à casser.

Logiquement, il échoit à Leterrier de revenir à la formule séminale et au blockbuster qui fait badaboum, de retrouver un Hulk vert et pas mûr, éléphant dans un magasin de porcelaine. Le décor, donc, se resserre, jusque dans un finale godzillesque assez vilain, mais surtout dès l’entame, judicieusement installée dans une favela tout en angles et recoins. Banner y fuit ses poursuivants dans des ruelles de plus en plus étroites, jusqu’à se retrouver claquemuré dans l’ossature métallique d’une fabrique brésilienne d’energy drink (la boisson est verte, l’idée marrante). Bien sûr, c’est là que Banner, sa chemise, son jean, craquent. Le reste du film s’en tient à ça, tout aussi bête mais pas toujours aussi réussi. Au moins cette version a-t-elle ce charme-là, infime, qu’avait la série 70’s, laquelle est peut-être le vrai point de mire du film (on n’a jamais lu les BD, cela dit), et qui s’en tient à ce suspense dilatoire et un peu neuneu : gonflera ? gonflera pas ? Banner trouvera-t-il un jean à sa taille ? Sur ce point, reconnaissons-lui en tout cas un casting plus judicieux que la version Ang Lee : Edward Norton y est un avorton épatant.