Héros surprise de l’année 98 (Kirikou et la sorcière), Kirikou revient sur les écrans en poids lourd du box-office. Il n’empêche que malgré la surenchère de moyens et le talent graphique toujours intact de Michel Ocelot, ce néo-colosse de l’animation à la française n’arrive pas à cacher une indéniable fragilité. En choisissant la succession de saynètes à une nouvelle histoire pleine, le film a du mal à trouver une existence propre, un peu réduit au bonus de luxe du premier. Et s’il impose Kirikou comme une franchise, Ocelot trouve là ses propres limites : difficulté à fusionner art et commerce, sens de l’action légèrement anémié, et surtout gros problèmes de narration, que la structure en comptines vient régler en bouée de sauvetage bien pratique. Semi échec ou semi réussite, c’est selon, en tout cas ce résultat vient faire vaciller l’image de petit maître collée sûrement un peu trop vite à Michel Ocelot. Serait-il un vrai cinéaste ou déjà, pas si mal, un merveilleux illustrateur dont la grâce du trait peut tenir lieu de grammaire ?

Construire donc, n’est pas le truc de Kirikou et les bêtes sauvages, pas franchement prequel, encore moins suite, plutôt une promenade à la fois volatile et pointilleuse dans l’univers du premier, comme tourné et retourné dans ses moindres détails. Seulement, d’ailleurs, dans ses détails. Le sage narrateur et grand père du héros l’explique en fil rouge, l’oeuvre rassemble « ce que l’on a pas eu le temps de raconter sur l’enfance de Kirikou », ses talents de potier ou de chasseur, ses découvertes de la jungle luxuriante digne du Douanier Rousseau. Du coup, ces enjeux poids plume nuisent autant qu’ils séduisent : la gracilité du personnage n’a plus le contrepoids majeur d’une intrigue forte, et en lieu et place de déploiement, l’espace s’évapore dans un ressassement indolent. Il n’est justement tenu que par le chatoiement de l’image, saupoudrée à l’or fin, chouchoutée comme jamais, en fait la seule et unique extase d’Ocelot, artificier aussi minimaliste que narcissique. Un morceau de bravoure, mémorable course-poursuite emplie de vitesse et d’élégance ouatée entre une hyène et Kirikou résume la frêle équation du film : plus c’est fragile et mince, plus c’est beau.