Drôle de film que ce Kamikaze girls. Frayeur, lors de la première séquence, quand le programme s’annonce sous forme de séquence ultra cliché : après une tentative de fusion vers le manga, Momoko, lolita sur sa mob, se fait renverser par un véhicule, voltige, se souvient de sa vie et remonte le temps dans une succession d’effets éprouvants (arrêt sur image, voix off, effets visuels pâteux). Avec son esthétique bifluorée et névrotique, Kamikaze girls s’annonce pour ce qu’il n’est pas : une série B vulgaire et sans profondeur reprenant divers éléments tendance japonais, actrices pop, roman à succès, etc.

Le récit, plutôt bien mené, sauve immédiatement le film du crash au décollage. Momoko, citadine exilée à la campagne à cause des frasques de son père yakuza foireux, s’ennuie, rencontre une jeune motarde délurée avec qui elle se lie d’amitié et s’embarque dans une aventure aux confins d’un imaginaire ado bariolé qui, malgré sa kitscherie revendiquée, réussit parfois à toucher. Ceci grâce à un humour et une virtuosité de petit maître rappelant -de très loin tout de même- les postures de The Taste of tea (dont on retrouve la comédienne Anna Tsuchiya) et sa fantaisie rococo et chaloupée. Plusieurs éléments, la mode et l’univers de la création, le style lolita, le naturalisme onirique représentant la campagne japonaise, le déluge de caricatures hilarantes ramènent directement à l’oeuvre de Katsuhito Ishii, souvent pour le meilleur.

Bien sûr, l’amplitude de son modèle n’est atteinte ici que par fulgurances, mais Kamikaze girls possède néanmoins une belle assurance dans sa tenue narrative, jouant de petits riens pour construire un univers mi-picaresque mi-romanesque trouvant une forme bien réelle. Le croisement des niveaux de récit, symbolisé par l’incursion de séquences manga, est moins lourdaud qu’il n’y paraît et charge le film d’une belle profondeur psychologique. Tableau émouvant d’une jeunesse fantasmée ou cauchemardée, série B délurée et psychorigide, Kamikaze girls vaut exemple dans le genre si usé du film adolescent, au moins par sa manière extrême d’arriver à ses fins contre toute attente, et de se révéler bien plus fin que ce que son esthétique de gros bonbon anglais annonçait.