Réalisé par Amos Gitaï, Kadosh (« Sacré ») conclut une trilogie consacrée à trois grandes villes israéliennes. Après Tel-Aviv en 95 (Devatim) et Haifa en 98 (Yom-Yom), c’est dans le quartier juif orthodoxe de Jérusalem que se situe l’action de ce film austère et poignant.
« Sois béni éternel mon Dieu qui ne m’a pas fait femme ». Un homme, kippa vissée sur la tête, achève sa prière matinale. Sur un lit séparé, sa femme a les yeux mouillés car « les femmes pleurent même en dormant » dit le Talmud (dont le scénario reprend des passages sous forme de dialogue). Cette séquence d’ouverture est emblématique du film. Elle montre le conservatisme de la société religieuse israélienne : un homme et une femme, avant d’être un couple, sont deux sujets de la communauté. La loi orthodoxe s’immisce dans leurs moments les plus intimes : avant et après l’amour, l’homme enlève puis remet tout les accessoires de son costume et demande à Dieu de l’aider « dans toutes les étapes de ce coït avec sa femme ».

Les héroïnes de Kadosh sont deux sœurs plus (pour l’aîné) ou moins (pour la plus jeune) prisonnières volontaires de ces rapports avec la loi et les hommes. Avec subtilité, Amos Gitaï montre comment les femmes sont victimes de la loi religieuse, qui ne les prend en compte que comme reproductrices de la nation et non comme individus. Plus encore, il révèle la faiblesse des hommes face à l’autorité rabbinique : il leur est impossible de vivre librement leur rapport à la Femme (et de ne pas culpabiliser en accomplissant l’acte charnel).

Pour dépeindre ce monde complexe, Amos Gitaï insuffle de la dérision dans les scènes les plus dramatiques ; celle, par exemple où le jeune mari viole sa femme lors de sa nuit de noce. Mais le réalisateur conserve toujours la distance qui permet à son attitude critique de ne pas être humiliante pour la communauté représentée. La musique enfin, composée par le jazzman Louis Sclavis, exalte les sentiments des personnages, apporte un souffle supplémentaire, comme une petite musique de l’âme dans cet univers rude où le lien direct entre deux êtres qui s’aiment est un idéal impossible à atteindre…