La comédie musicale, genre longtemps délaissé dans le cinéma français, revient sur le devant de la scène depuis quelque temps. Preuve en est la rétrospective consacrée, l’an passé, à Jacques Demy ou encore le succès remporté par le film d’Alain Resnais : On connaît la chanson.
Raconter cependant, en 1998, une histoire d’amour entre une jeune fille (Jeanne) et un séropositif (Olivier) sur le mode de la comédie musicale est un pari audacieux. Disons le tout de suite, le pari est amplement gagné.

La parenté affichée et assumée, des réalisateurs avec Jacques Demy, ce créateur unique dans le cinéma français, rend la comparaison entre les deux univers inévitable. Les liens entre eux sont multiples, que ce soit par les choix stylistiques, notamment chromatiques, ou encore par le biais de certaines thématiques telles celles du hasard, des chassés-croisés. Mais leur confrontation est loin de desservir Jeanne et le garçon formidable qui a réussi à retrouver cette subtile harmonie qui caractérisait le cinéma « enchanté » de Demy.
O. Ducastel et J. Martineau s’affranchissent même du « père » lorsqu’ils inscrivent leur film dans une réalité sociale certaine et abordent un thème peu traité par Demy, la sexualité.

Dès la première chanson le ton est donné, des balayeurs entonnent : « Tant de dévouement…tant de souffrance…pour unique paiement on nous expulse de France ». Cet ancrage dans le réel se manifeste également par une vision de la sexualité sans aucune fioritures. Jeanne a de nombreux amants, affiche sans réserve sa sexualité et n’oublie pas de préciser que « l’homme de ses rêves », l’une des chansons du film, « a une bite aussi ». Elle passe cependant de « coeur en coeur, de lit en lit » jusqu’au jour où elle rencontre Olivier. Malheureusement, celui-ci est séropositif et le jour où la maladie se déclare, il choisira de partir. Le Sida est donc ici traité sans aucun misérabilisme mais au contraire avec beaucoup de pudeur. Leur dernière rencontre à l’hôpital, lorsque Jeanne prend conscience de son amour pour Olivier, donne lieu à une des plus belles scènes du film, où l’émotion est aussi bien transmise par l’image que par la chanson : « Je n’aimerai plus que toi » qui souligne et accentue la force de la situation.
La gravité du propos n’exclut cependant pas quelques purs moments de fantaisie, contrepoints nécessaires à la tristesse profonde de ce film.
De même le traitement musical, loin de coller de manière pléonastique au propos, se caractérise par la variété des styles abordés : valse, java, tango, etc…

Les réalisateurs ont donc réussi à créer leur propre univers, malgré le lourd héritage de Demy, univers composé d’un fragile équilibre entre fantaisie et gravité.
Aidés en cela par une interprétation remarquable, notamment de Virginie Ledoyen qui, par son charme et sa présence éclatante, est une digne version brune de Catherine Deneuve.

Reste à espérer que « l’on accepte cette légèreté mais qu’on ne la prenne pas à la légère » tel que le disait Jacques Demy à propos des Demoiselles de Rochefort.