Pas d’amour pour le nouveau Iosseliani. Le Géorgien a cette politesse, rare, de ne pas tout rater quand il rate un film, de donner quelques plans, quelques images, quelques mots à son spectateur déconfit. Iosseliani a tourné de beaux films (Il était une fois un merle chanteur, Avril, Les Favoris de la lune), alors il serait étonnant que même dans une chansonnette aussi pénible que ce Jardins en automne, il ne restât pas quelques jolis accords. Mais Jardins en automne, c’est davantage qu’un accident, plutôt une fatigue chronique. Un film de trop, un film pour rien, déjà vu, qui pèse de tout son poids de énième comptine saugrenue réalisé par un sélène hédoniste. Qui nous lit régulièrement trouvera que l’on se répète, mais on peut s’étonner, au vu de la production 2006, du nombre impressionnant de cinéastes qui se répètent, qui semblent refaire le même film, ni plus ni moins ni autrement, refilment ce qui l’a déjà été. Jardins en automne, après Lundi matin, après Adieu, plancher des vaches.

Pitchons ce nouveau film qui n’en est pas un : un ministre dilettante est chassé du pouvoir et retrouve le vrai sens de la vie vraie en buvant du rouge avec ses vieux copains et en jouant les hurluberlus dans les jardins publics. La leçon de vie qui se profile derrière ce résumé a tout pour déplaire : il faut cultiver son jardin, programme ouvert à toutes considérations creuses sur le bonheur de proximité, le goût du petit, les joies simples de la bouffe et du vin, gna gna gna. Un hédonisme un peu compassé, proverbial, un peu rance, la vie ventrue, l’authenticité de la bonne chère, un optimisme jean-pierre-pernaultien -tout ça contre l’inquiétude du monde, la parade idéale contre qui voudrait trouver à redire. Le vernis libertaire se craquelle et laisse apparaître un fond moins aimable de satisfaction bedonnante. C’est la ruse de la loufoquerie quand elle est requise, comme ici, pour étaler le plaisir que l’on a à se sentir du bon côté des choses. Victoire au championnat du monde d’amour-de-la-vie. C’est sympa la bouffe, le bon vin, les filles, la musique, mais quand tout s’exhibe aussi fièrement, quand tout devient revendication inutile (il faut profiter de la vie, se faire plaisir, carpe diem, etc. OK, mais qui diable pourrait bien dire le contraire ?), alors on donne vite dans la publicité du consensus, ce qui est aussi une définition possible d’un état d’esprit petit-bourgeois. Le monde à l’envers, un comble pour Iosseliani. Bricolo désinvolte, le cinéaste réussit bien quelques scènes (par excellence, l’inauguration par le ministre d’une « installation polyvalente » parmi les ânes et les poules), mais son savoir-faire ne saurait étouffer le philippedelermisme à l’oeuvre ici.