J’me sens pas belle ne trompe pas sur la marchandise : 1h25, un gars, une fille, un titre qui résonne comme une réplique clé. Transfuge de la télé (quelques scripts de PJ), Bernard Jeanjean adapte naturellement ses méthodes au grand écran. Cadré, vissé serré, tout est absolument synchrone. De Marina Foïs débutante en cinoche mais plus qu’à l’aise à la télé, au décor très sitcom-au théâtre ce soir, en passant par les dérapages contrôlés du genre, rien d’expérimental ne filtre. Rien ou presque, car dans son formatage appliqué, Jeanjean trouve une petite brèche salvatrice.

L’intrigue obéit aux règles immuables de la brève rencontre. Fanny, la trentaine célibataire et dépressive, invite Paul, également trentenaire et coincé. Elle espère au moins tirer un coup mais bien entendu, en espérerait plus. C’est exactement la position de Jeanjean, petit maestro qui suit sa partition à la note près, mais qui tente intempestivement des sublimations et des petites expériences, par pur plaisir timide de s’imaginer grand chef d’orchestre. Comment faire du bon sitcom, comment creuser en profondeur un sujet si banal, à quelle température l’aigre-doux trouve-t-il sa meilleure saveur ? Le film se pose beaucoup de questions et propose autant de solutions, dans un souci qualitatif touchant. On sent le respect profond que témoigne le cinéaste pour son matériau originel et ses potentialités diverses, mais surtout pour le spectateur, toujours accompagné mais jamais pris pour un légume.

Et c’est finalement grâce à ce mince fil, parfois lâche quand Jeanjean ne sait vraiment pas quoi faire de toutes ses conventions (les appels archi-bateau de l’éternelle copine), que le film trouve son tempo, bien posé sur des bases solides et suffisamment intelligent pour s’en rendre compte. Du nanar arrogant (Les 11 commandements) aux produits du terroir grassement fiers de leurs ficelles ancestrales (Le Placard), rares sont les comédies françaises à s’interroger à ce point sur leurs ambitions et à visiter chaque recoin de leur architecture. C’est le pas décomplexé qu’exécute J’me sens pas belle, petite chose souriante à la mécanique vrombissante.