Surfant sur la vague des jeunes cinéastes nippons venus requinquer un public occidental en quête de sang neuf venu d’Extrême-Orient, Ryosuke Hashiguchi s’est fait connaître voilà quelques années avec Petites fièvres des vingt ans. Ce portrait d’un jeune étudiant converti à la prostitution avait valu une tournée générale des festivals à son auteur, lequel remit ça avec Grains de sable, sans rencontrer le même succès. Hush !, son quatrième long-métrage, poursuit dans la même veine -chronique molle de la vie intime des jeunes adultes nippons- tout en démontrant l’épuisement du filon.

Le film suit en quatre saisons les tribulations immobiles de trois jeunes trentenaires : Naoya, homosexuel affirmé, Katsuhiro homosexuel qui ne l’est pas (affirmé), et Asako, une fille légèrement paumée. Alors que les deux premiers se rencontrent et mettent en commun leur destinée sentimentale, Asako vient troubler ce couple naissant avec une singulière requête : que Katsuhiro lui fasse un enfant car il a, dit-elle, des yeux de père. S’ensuivent quelques tonnes de palabres un rien chichiteuses, de tours et de détours autour des questions qui taraudent le film : la solitude dans les grandes villes, le manque de communication, la disparition de la cellule familiale. Autrement dit, un best of des thématiques tarte à la crème du cinéma asiatique. Tarte à la crème, parce que si quelques grands cinéastes d’aujourd’hui ont traité de ces questionnements essentiels avec une acuité et un art réellement fascinants (Tsai Ming-liang, pour ne citer que lui), leur recyclage systématique a pu aussi aboutir à des aberrations telles que Desert Moon. D’ailleurs, Hush ! n’est pas sans points communs avec le film de Shinji Aoyama. Même axiome de départ (la société a détruit l’antique modèle de la famille), même solution (créer de nouvelles formes de communautés), et à l’arrivée, même ennui incommensurable. Par contre, loin des propositions alambiquées du réalisateur du pourtant remarquable Eureka, Ryosuke Hashiguchi se contente d’étirer au maximum la matière qu’il enregistre. D’où l’aspect sitcom existentielle délavée du film, notamment lors de cette interminable scène d’explication entre les trois quarts des protagonistes de l’histoire.

La pesanteur de la mise en scène a beau être parée de cet alibi moderne (le cinéma, art de la durée), on ne retient de tout cela que l’artificialité du propos et de la forme, la menace toujours grandissante d’une sclérose du jeune cinéma asiatique, et une forte envie de somnoler paisiblement.