Les fées sociologues qui se pencheront demain ou après-demain sur le triomphe d’Harry Potter -romans, films, produits dérivés à l’infini- devront élucider l’énoncé paradoxal qui sert de base narrative aux aventures du jeune Harry : après avoir longtemps été le lieu de l’ennui, du contrôle social, l’espace disciplinaire d’où l’on cherchait à sortir par tous les moyens pour faire les quatre cent coups et suivre la piste buissonnière, l’école redevient, par un coup de baguette magique, le bon lieu, celui où il faut être. Les enfants qui font le succès du petit sorcier ont-ils conscience de ce tour de passe-passe scénaristique qui retourne le patrimonial ennui scolaire en un enthousiasme délirant pour le banc des écoliers, devenu l’espace people par excellence avec stars et ragots à tous les étages, tendance que confirment encore les deux autres écoles à succès du moment : Popstars et Star academy. A Poudlard, l’établissement qui accueille le sorcier à lunettes, il n’y a pas de place pour le cancre ou le bonnet d’âne ; il n’y a que des élèves consciencieux qui cherchent à plaire à leurs profs, qui les aiment même et sont prêts à mourir pour leur éviter un licenciement abusif. Ce n’est plus l’école obligatoire, c’est l’école obligée. Ce nouvel épisode a d’ailleurs pour principale ligne narrative le combat pour la survie de Poudlard agressée par de mystérieux signes (maléfiques bien entendu).

Dans l’ensemble, cet opus n°2 confirme la loi des séries exposée par les ados cinéphiles de Scream 2 : meilleur que le premier, parce que tirant leçon de ses défauts, rejouant l’équipe gagnante, la formule du succès, mais avec une intrigue en plus et des surprises qui valent le déplacement. Dans La Chambre des secrets, on retrouve donc Harry Potter et ses deux acolytes, le gaffeur Ron et la maligne Hermione, apprentis-sorciers assidus de l’équipe Gryffondor, opposés aux Serpentards, plus sombres et moins cool dont le leader, détestable Drago Malefoy pousse comme jamais sa ressemblance avec Eminen, chère tête blonde aux idées noires, figure repoussoir des bons sentiments du trio-héros. On retrouve aussi le corps enseignant en bonne forme au premier rang desquels, Albus Dumbledore incarné par Richard Harris, dont la disparition récente a fait croiser le deuil des fans de Potter et celui des inconditionnels d’Antonioni (Harris est l’inoubliable interprète du Désert rouge) ou encore l’effrayant professeur Rogue, sosie -sans doute inconscient- du Bashung de l’Imprudence.

Il serait aventureux de résumer le scénario qui justifie cette remise sur le balai ; disons simplement que le film ajoute à la plate exposition et à la reconstitution minutieuse du « monde d’Harry Potter » qui faisait le monotone spectacle du premier épisode, une intrigue « cluedoesque », entre Dix petits nègres et Nom de la rose avec un fort soupçon d’épouvante puisée aux meilleures sources du genre (arbres qui s’animent méchamment, attaques d’araignées géantes, montres sanguinaires qui donnent au T-Rex de Spielberg les allures d’un aimable animal de compagnie). Dès sa nouvelle rentrée scolaire, Harry sent des onde mauvaises qui l’incitent à questionner ses origines et, notamment sa place au sein des Gryffondor. Ce trouble identitaire ne serait qu’une passade adolescente si le sort de Poudlard n’était pas bouleversé par les mauvais rêves et les voix d’outre-tombe entendues par notre héros. Au rayon nouveautés, on notera deux amusantes trouvailles : d’abord, un elfe de maison masochiste, tout droit sorti de Star wars et qui amuse la galerie en se tapant la tête contre les murs ; mais surtout un personnage de sorcier médiatique, interprété malicieusement par Kenneth Branagh, vedette aussi apprêtée que peureuse qui sert de mise en abîme amusante au triomphe de l’entreprise Harry Potter. On en dira pas plus. On laissera  » le charme agir « , comme disent les magiciens.