Comment expliquer à une mère cardiaque, membre fervent du Parti quittée par son mari qui a fui à l’Ouest, que, pendant qu’elle était dans le coma, les deux Allemagne se sont réunifiées ? Good bye Lenin ! joue, sur le mode comique et avec une fraîcheur bienvenue, de l’effet avant / après de l’événement de 1989. Alex, adolescent de RDA, se démène pour préserver aux yeux de sa mère, grâce à sa sœur aînée mais sous le regard sceptique de sa petite amie russe, une réalité politique en train de partir en eau de boudin. Courir contre le cours de l’Histoire consiste d’abord à rendre étanche la chambre de l’appartement familial : il faut lui conserver sa déco surannée (pourquoi ? les ex-Allemands de l’Est se sont-ils rués sur le papier peint de l’Ouest le lendemain de la chute du Mur ?), résister au Coca Cola, escamoter la tenue de serveuse de Burger King de la sœur, et trouver une explication plausible à la prolifération des immenses panneaux publicitaires visibles depuis la fenêtre de la convalescente.

Le mensonge devenant plus difficile à couvrir de jour en jour, il finit par nécessiter de la part d’Alex, qui met à contribution tout son entourage, une ingéniosité épuisante, puisqu’il n’hésite pas à créer avec un caméscope de faux journaux télévisés de l’Est, riches en propagande d’Etat et, comme de bien entendu (ici, l’Est est dépeint sous les traits nostalgiques et tendres du gentiment ringard), débités par un moustachu coincé. Trahi par une image télé qui montre le franchissement du Mur par la foule enthousiaste, Alex, pour ne pas entacher l’honneur du Parti, ira jusqu’à expliquer à sa mère que l’Est accueille des réfugiés de l’Ouest, fatigués du libéralisme consumériste… La politique-fiction qu’il improvise de minute en minute tient lieu, on le devine bientôt, de « McGuffin » hitchcockien et, ajouterait-on, œdipien : si l’adolescent croit épargner à sa mère un second choc cardiaque, c’est surtout le monde de son enfance qu’il tente de sauver de la disparition, images d’archives et vieilles étiquettes de boîtes de conserve à l’appui.

Si la vision du communisme comme douce utopie relève davantage du réservoir de gags que d’une réflexion politique pertinente, le travail scénaristique et les acteurs (dont Daniel Brühl, sosie de l’enfant photographié sur les paquets de chocolat Kinder !) parviennent à rendre Good bye Lenin ! attachant. Certes, comme à peu près tous les films allemands qu’on a pu voir en France ces dernières décennies, la photographie et la mise en scène, propres mais minimales, dépassent à peine l’esthétique du téléfilm. Comme quoi, « Ossi » ou « Wessi », (c’étaient les surnoms affectueux que l’Est et l’Ouest employaient pour se désigner mutuellement), on est toujours le ringard de quelqu’un…