Passage peu concluant à la réalisation pour le playboy Ben Affleck. On ne voit pas bien la nécessité de cette adaptation sans invention du roman de Dennis Lehane (auteur du Mystic river adapté par Eastwood). Une affaire d’enlèvement d’enfant, de corruption policière et en fond, une traque pédophile qui finit dans une chambre noire genre Silence des agneaux avec flash tonitruant sur le gamin mort. Rien de réjouissant. Bien pensant et plein de bons sentiments, un rien torturé (les héros ont des états d’âme et des dilemmes moraux pas faciles), Gone baby gone s’évertue sans succès à trouver un peu d’épaisseur : on en reste à des intentions très scolaires nourries aux séries télé. Pour faire brillant, le scénario s’englue dans des flashes-back compliqués et des rebondissements sans ressorts. Quant au filmage : R.A.S. Quelques tentatives du côté de l’imagerie indépendante, plans au téléobjectif sur la vie des rues et ambiance sombre. Bon, Ben était aussi bien dans son ancien rôle.

Beaucoup plus concluant : le frère, Casey Affleck (Patrick Kenzie, le héros détective). On se souvient des ses clowneries en jogging dans Will hunting (à côté d’un Ben déjà poseur), de la balade concentrée avec Matt Damon dans Gerry et tout récemment de sa mine enfarinée en parfait Robert Ford dans L’Assassinat de Jesse James. Cow-boy fourbe ou flic maladroit, entre burlesque et mélancolie, avec ses deux derniers films, Casey Affleck impose un personnage de second soucieux, hésitant et même un peu débile, parfait antihéros et dernier du lot. Légèrement empoté à jouer les durs, souvent dans l’excès ou l’imitation, Casey Affleck maintient ici son rôle à distance avec un brin d’auto-ironie bienfaitrice et réussit à sauver les meubles pour son frère. Reste en tête la séquence du début où il baragouine en off avec brio. Sa voix de canard éraillée fabriquée pour le personnage de Robert Ford prend alors encore un autre accent, étrange (Casey Affleck parle avec des cailloux dans la bouche ?) : une sacrée réserve de possibles. Sous exploité par Hollywood mais prometteur et polyvalent comme un nouveau Johnny Deep, le petit fait son chemin.