C’est une bien belle surprise que nous offre ce mois-ci Olivier Assayas avec son dernier film Fin août début septembre. Une surprise là où on ne l’attendait plus. Avec des moyens modestes et partant sur le schème assez classique du film psychologique français, le cinéaste parvient ici à renouveler ce genre en crise, et à lui insuffler une énergie revitalisante pour traiter cette histoire tournant autour de la mort. Si le début du film peut sembler comme une provocation à l’égard des critiques vis à vis du « jeune cinéma parisien de chambre de bonne » (Jenny, alias Jeanne Balibar, et Adrien, alias Mathieu Amalric, jeune couple d’intellectuels de la capitale, ont un problème d’appartement !), il s’éloigne du domaine du « déjà vu », par sa volonté et son habilité à explorer le champs du spirituel à partir d’éléments concrets voire anodins. Il s’agit ici pour le cinéaste de suivre un groupe d’amis confronté à la maladie puis à la mort de l’un des leurs. L’enjeu étant de voir comment la vie poursuit son travail de « survie » avec notamment la rupture d’un couple et la formation d’un autre.

Pour capter au mieux ce qui se cache, Olivier Assayas a choisi de beaucoup faire parler ses acteurs. Film basé sur la parole, une parole omnisciente, latente, inconsciente ; celle-ci devient le moyen par lequel approcher la sphère des sentiments, les vrais enjeux des conversations. Mieux encore, par sa manière de filmer, en laissant les mots et le temps s’écouler, le réalisateur capte quelque chose de rare, un quelque chose que l’on pourrait presque qualifier d’aura, comme si la caméra nous offrait aussi le négatif de chaque scène. A mesure que le film se déroule, la parole se fait suspens, histoire et émotion, elle devient ainsi pleinement cinématographique. On ne peut plus s’empêcher de penser aux maîtres du cinéma « parlant », Maurice Pialat et Jacques Doillon. En élève doué Olivier Assayas sait le pouvoir des mots et la façon de le préserver.

Si Fin août, début septembre est fait de parole, il est aussi fait de chair, incarné par des comédiens exceptionnels de fulgurance. Le film est à leur gloire, un vrai cadeau pour eux, et ils le lui rendent bien. Mention toute spéciale, cependant, à François Cluzet qui prouve sans nul doute possible qu’il est l’un des plus grands acteurs français du moment. De manière presque inquiétante, il réussit à composer un personnage alliant gravité et légèreté, mystère et limpidité. Sur ce même mode dualiste, Jeanne Balibar joue elle aussi fort bien de l’ambivalence de son jeu, tour à tour désabusé et fantaisiste. Petit miracle de vie recréée, le film d’Olivier Assayas est aussi un petit miracle de cinéma qu’il faut s’empresser de voir (pour croire).