Là, on arrive en zone rouge : le cinéma des bourgeois, versant « fantaisie », dont Jeanne Labrune et Danielle Thompson sont les sinistres suffragettes. C’est pire que tout. Fauteuils d’orchestre en résume les présupposés, ni plus ni moins glauque au fond que C’est le bouquet ! ou La Bûche, à ceci près qu’il touche au but : incarcéré à Paris dans un quartier riche, Avenue Montaigne, c’est la quintessence d’un cinéma lèche-vitrines qui se love au pied de ses maîtres, roupille sur leurs chaussons. Délivrée par Suzanne Flon, la morale qui ouvre et ferme le film (pas seulement d’ailleurs, on l’entend ad nauseam) comme une vieille boîte à bonbons donne le ton : « j’ai toujours voulu vivre dans le luxe, alors je suis devenue dame pipi au Ritz ». Illustration immédiate, avec une Bécassine venue de la France profonde (Cécile de France) faire tourner le manège des bonheurs et des errements des artistes, de ceux qui font la vie parisienne : un pianiste, une actrice, un collectionneur d’art, des vedettes, quoi. Le film choral où tout s’entrechoque, la vie est folle et lelouchienne, l’argent ne fait pas le bonheur même et surtout quand on en a beaucoup, etc. Le film choral à Paris, c’est pire que tout.

Le sommet, c’est ce personnage, la jeunesse française incarnée par Cécile (de France). Avoir 20 ans pour Danielle Thompson, c’est porter une jupette et une doudoune rose, des pin’s sur le cartable. Panoplie que le personnage ne quitte pas de tout le film d’ailleurs, ce qui n’est pas hyper élégant. Avoir 20 ans c’est débarquer de sa province (Mâcon) sans savoir où on va dormir le soir, allez voir dans un palace s’il ne reste pas une chambre… « 300 euros la nuit ? oh la la la la et ben dis donc, c’est pas donné ! ». Il sont débiles, mais tellement attendrissants, ces arriérés de province. Cécile de France joue comme une gamine de 12 ans. Avec 31 printemps au compteur, c’est grave quand même. Elle pousse des « oh la la » en dodelinant de la tête, lèvres arrondies, air ahuri, secouant les mains. Sa performance rappelle celle de Jennifer Garner dans 30 ans sinon rien, pour ceux qui situent ce film oubliable, sauf que Garner y interprète une pré-ado métamorphosée par magie en bitch trentenaire, avec 13 ans d’âge mental. Là, le personnage se veut réaliste, c’est surréaliste.

Le reste, c’est l’ordinaire de ces films à la sale mentalité, état d’esprit étriqué qui chante la vie malgré les petits tracas, malgré le temps qui passe et nous fait courir. On trouvera bien un moment, Avenue Montaigne, pour savourer tout ça, ce spectacle hypocrite où l’on se vautre avec délectation. Et même dans les chiottes du Ritz, on en verra des belles dames et des beaux messieurs. Parce qu’elle est belle, la vie, surtout la leur ! Ah, les frous frous, les vedettes, ça fait rêver les dames pipi, c’est beau comme une chanson de variété. Oui elle est belle la vie, même si parfois on étouffe, comme ce pianiste virtuose qui en a marre de tout le tralala des concerts, de ses habits de pingouin, qui rêve de jouer dans la nature, pour des enfants… Comme cet amateur d’art qui vend toute sa collection, pour les beaux yeux d’une jeune femme qui ne court peut-être qu’après son argent, et alors ? On a bien le droit de penser un peu à soi… Voilà ce que raconte Fauteuils d’orchestre, dans ses beaux habits de riche. Valérie Lemercier sauve une scène, c’est vrai. Mais le film est une horreur.