Fast and furious : de la vitesse et de la fureur. Un titre quasi faulknérien dont les promesses seront tenues l’espace d’une petite demi-heure seulement. Une première partie aux frontières de l’abstraction pendant laquelle dialogues sporadiques et récit encore flou permettent les partis pris les plus détonants, aux antipodes des schémas hollywoodiens classiques. Quelques figures-archétypes (une bande de machos cailleras et mécanos, des bimbos aussi anonymes que huilées) suffisent alors à déterminer les stupéfiants enjeux du film : nous en mettre plein la vue, nous éblouir et nous bouleverser à force d’effets virtuoses, de montage halluciné et de brouillage pyrotechnique. Avec comme point d’orgue une sorte de rodéo urbain où nos héros s’affrontent au volant de leurs bolides, à coups de fulgurantes accélérations et de flashs stroboscopiques. Les BPM enragés transcendent ce shoot’em-up détraqué qui semble défier les lois de l’apesanteur et de l’espace-temps, prêt à déborder le cadre et faire imploser l’image jusqu’à ce que le spectateur soit littéralement aveuglé par ce sublime chaos, perdu au coeur des embardées incandescentes et de la vitesse faite lumière.

On aurait aimé que le spectacle ne s’arrête jamais, que Rob Cohen continue d’opérer son lavage de cerveaux pendant deux heures encore. Mais la fiction la plus stricte reprend bientôt ses droits sur l’expérimentation tous azimuts, plongeant Fast and furious dans les affres de la banalité réac’ et de l’action petits bras. Le scénario déroule alors ses minces attributs et son postulat rebattu (un jeune flic infiltré au sein d’un gang de malfaiteurs violents, avec amitiés sous tension à la clé) dans un style laborieux et crânement clippesque, à mille lieues de l’époustouflant pandémonium inaugural. Le tout dans une ambiance un peu beauf où la haine d’ethnies bien déterminées (ennemis jurés : Johnny Tran et sa bande de motards bridés) se mêle à des occupations aussi éclectiques que boire de la bière, réparer les bagnoles et prouver à chaque seconde sa virilité hors normes (on n’est pas chez les pédés). Si Rob Cohen nous gratifie d’une dernière séquence plus inspirée où il laisse libre cours à son goût pour la surenchère graphique, son film relève trop souvent de la croûte boursouflée, miraculeusement transformée en or lors de son anthologique et flamboyante entrée en matière.