Enfin un peu de fraîcheur dans le cinéma français ! Sans se plaindre des recherches un tantinet mortifères de nos auteurs maison, ça faisait longtemps qu’on attendait une comédie de cet acabit : vive, impudique, sensible, et surtout drôle. Car tout en étant un très beau film sur la puberté, Du poil sous les roses fait rire. Souvent. Intensément.

Les personnages : Roudoudou (Julie Durand), 15 ans ou presque. Assaillie par les multiples questions d’ordre sexuel que l’on se pose à cette période. Entre autres : pourquoi j’ai un nichon qui pousse plus vite que l’autre ? Est-ce qu’on peut jouir au téléphone ? C’est quoi, un clito ? Et un fist-fucking ? Julien (Alexis Roucout), même âge, même obsession du cul, mais formulée différemment : quand est-ce que j’aurai du sperme ? Est-ce que je suis pédé parce que je branle mon meilleur pote ? Et si je baisais sa mère ?

Cela assené avec une crudité qui fait plaisir à entendre en ces temps de censure crâne. Une crudité pleine de « bite », « pute », et autres « gouine » prononcés par des collégiens se marrant devant un film porno ou pissant sur le mur de leur maison. Ainsi délestés de toute retenue quant au verbe ou aux actes, Agnès Obadia et Jean-Julien Chervier se sont rapprochés d’une vérité enfantine trop longtemps voilée par le poids du tabou et d’une nation bien-pensante. Parce qu’à 13 ou 15 ans, on ne parle pas comme dans Le Jeune Werther de Doillon ; on se gargarise plutôt des mots les plus salaces en ne songeant qu’aux possibilités imminentes de dépucelage. Pourtant, la vulgarité est ici hors de propos, balayée par un débordement constant parfaitement catalysé des deux côtés de la caméra. Derrière, sans génie mais avec une énergie et une inventivité stimulantes : rêves délurés sous forme de dessins animés, propositions joyeusement anarchiques (le film donne fréquemment l’impression de partir dans tous les sens), situations exploitées de façon optimale (on retiendra surtout l’utilisation des queues de chatons comme anti-stress). Et devant, deux révélations : Alexis Roucout, excellent dans le registre du révolté lassé, du dégingandé torturé ; et surtout l’incroyable Julie Durand, croisement rêvé entre Valérie Lemercier (version Odeline Fion) pour le côté pince-sans-rire et Leslie Azoulai (l’héroïne de Travolta et moi) pour la désarmante spontanéité. Grâce à eux et aux autres, les images de l’adolescence auront rarement semblé si décalées, et, paradoxalement, si justes.