Curieux film a priori, qui réunit dans une production française mais anglophone Agnès Merlet, une réalisatrice perdue de vue depuis dix ans et deux longs-métrages diversement appréciés (Le Fils du requin, Artemisia), et Carice Van Houten, une comédienne néerlandaise tant aimée dans un grand film, Black book. De la seconde, il est possible tout au long du film de vérifier qu’elle partage quelques traits de physionomie avec certaines de nos actrices (Elsa Zylberstein en tête), tandis qu’on peine à voir sur son visage s’écrire celui du petit soldat rutilant du film de Verhoeven. Si l’on pense à ça en voyant Dorothy, ce n’est pas pour autant que l’on s’y ennuie. Une psychiatre (Carice, donc), est envoyée dans une petite île irlandaise étudier le cas d’une adolescente accusée d’avoir attaqué un bébé à coups de biberons. Elle fait connaissance avec Dorothy, frêle et inquiétante ado albinos, mais aussi avec la population, composée de rustres gaillards et de mégères pas commodes, chapeautée par un curé rigoriste. Tous lui sont hostiles, tandis que Dorothy commence à faire flipper son monde en parlant tour à tour comme une petite fille de 3 ans, une nymphette agressive ou un caïd brutal.

L’intrigue est tordue, mais maîtrisée bien qu’elle reste menacée par le grotesque, tournant autour de la double personnalité et des pouvoirs médiumniques. Pour l’enrober, la réalisatrice a joué à fond la carte du décorum. C’est quasiment à l’identique que l’on retrouve l’ambiance de The Wicker man ou la scène de la taverne du Loup-Garou de Londres. C’est assez séduisant, cette confiance dans les passages obligés de sous-genre dont le récit paradigmatique est celui où un urbain vient visiter des culs-terreux grognons préservant un mystère occulte. Et pourtant elle plombe le film qui, au lieu de s’y engouffrer totalement, n’y met qu’un pied (à ses risques et périls, voire la scène de la mémé aveugle qui gratte sa Fender), tandis que l’autre reste planté dans la tentative d’un portrait de communauté, et que d’un bras il retient l’hypothèse de l’étude clinique. Ensembles, ces trois instances se marchent dessus, et le film n’y gagne pas, peinant à faire valoir ce qu’il a de plus réussi (sa lumière savante, son atmosphère pesante), faisant saillir ce qu’il a de plus foireux (quelques scènes pas possibles). Sans doute eut-il fallu trancher, entre le décorum et le sérieux de l’intrigue, prendre l’un ou l’autre, situer ailleurs cette histoire surnaturelle ou bien se défaire de tout esprit de sérieux pour plonger dans le folklore. Hésitant, n’étant parvenu à n’opérer de choix, Dorothy titube.