Malgré sa tendance au misérabilisme, l’histoire de Don -un petit garçon sans papiers d’identité qui doit apprendre à vivre seul quand ses parents toxicomanes partent suivre une cure de désintoxication- a le mérite d’évoquer quelques-uns des problèmes contemporains de l’Iran (le travail des enfants, et pour la première fois dans le cinéma iranien, le fléau de la drogue).
Proche d’une démarche documentaire (les acteurs ont été repérés dans la rue, et le jeune Farhad joue à quelques détails près sa propre vie), Abolfazl Jalili affiche dès le début du film des intentions clairement mises en forme et partant d’un postulat : le questionnement incessant des personnages entre eux et l’usage systématique du champ-contrechamp. La parole prime. Et dans un but précis : rendre palpable le malaise permanent d’un individu qui doit sans cesse justifier d’une existence remise en cause par l’absence de papiers d’identité. La mise en place de situations souvent dramatiques (Farhad vole la carte de son voisin et se fait passer pour lui afin de trouver du travail) contribue à creuser avec acuité le désarroi d’une situation déjà précaire.

Les questions, qui constituent la majeure partie des dialogues, acquièrent cependant une fonction moins pertinente lorsqu’elles sont organisées sous la forme de discussions qui rappellent vaguement les « dialogues-interrogatoires » de Godard dans Masculin, féminin. Les personnages doivent ainsi répondre de leurs actes devant une mystérieuse voix (vraisemblablement l’émanation du cinéaste), maintenue en hors champ. C’est dans ces moments-là que les intentions pourtant louables du réalisateur deviennent malheureusement trop explicites. Ses questions, du type « tu crois que c’est bien ou mal ce que tu as fait ? », s’en tiennent à une pédagogie de base, sans vraiment soulever de paradoxes signifiants, ni induire de réponses judicieuses.

Ce système des questions-réponses, distillées avec une monotonie trahissant les carences rythmiques du film, finit par lasser du fait de sa répétition incessante. On aurait préféré que Jalili ose s’émanciper de ses objectifs de départ pour se confronter aux aléas de la vie de Farhad. Abandonner le raisonnement, créer de l’affect, pour enfin donner corps aux personnages, aurait pu constituer une échappée idéale pour ce film enferré dans une logique beaucoup trop rigide.