Lorsque Darling (Marina Foïs, qu’on aimait beaucoup avant ce film), ayant fui l’hôpital où on lui furent retirés une à une les plumes et les petits cailloux qu’on lui avait enfoncés dans la peau des fesses, lorsque Darling, donc, commence son récit par le truchement d’une cibi résonnant dans la cabine d’un invisible routier, on ne sait pas très bien à quoi on a affaire. Vous non plus d’ailleurs. Voici quelques explications : Darling raconte sa vie depuis le début, depuis sont enfance de gamine boulotte coincée dans son short et dans la ferme de ses parents, rustres bouseux crado-teigneux. Elle raconte en off comment, sur la nationale, Gérard Lenormand (nom de code d’un routier) a tué Pompidou (le clébard de la môme). Les minutes passent, elle grandit dans cette espèce de sitcom charcutier, et on songe à une sorte de version misérabiliste et paysanne d’Amélie Poulain, un exercice sous cloche de surnaturalisme mi-glauque, mi-rigolard.

Il faut un bon bout de temps avant de comprendre qu’au contraire il n’y a rien de plus sérieux que ce film, qui se révèle peu à peu être une sorte de crapoteux mélodrame à fait divers, tout droit issu des bonnes feuilles du Nouveau détective. Rien de plus sérieux, et rien de plus viandard que ce film, qui radicalise en quelque sorte l’expérience récente de Charly d’Isild Le Besco, qui lui-même, sous couvert de radicalité foirfouille, poussait très loin la singerie sur-naturaliste. Darling en est la relecture clownesque, à la fois lissée par le cadre et barbouillé d’un ton pas franc du collier qui vous emmène valser du côté d’un absurde carnavalesque et bigarré. Au final, même hauteur du regard : celle requise pour visiter les zoos. Christine Carrière est agile de la truelle, et tout est bon dans le cochon : le film vous invite à ricaner bêtement devant cette galerie de monstres affreux, sales, bêtes et méchants où se débat l’angélique et innocente Darling, avant de vous prendre par derrière, et de vous asséner sur la nuque le coup de grâce d’un carton final (ce film est inspiré d’événements réels, etc.) tandis qu’elle a abandonné définitivement la veine Deschiens / trash au profit d’un seul réalisme pouilleux digne d’un épisode de L’Instit sur la réinsertion d’un cas social. On n’a visiblement pas la même idée du cinéma.