Tourné à N’Djamena tandis que fusaient les balles de la dernière grosse offensive en date des rebelles, Daratt vient clore l’exercice 2006 par une bonne nouvelle : avec Bamako, on aura vu cette année deux beaux films africains sur nos écrans. Certes, Mahamat Saleh Haroun (à qui l’on doit Abouna) et Abderrahmane Sissako ne sont pas des inconnus, et diagnostiqué à l’aune de ce doublé la bonne santé du cinéma africain relèverait d’un maraboutage plus qu’hasardeux. Mais tout de même, ils sont là.

Daratt est un scénario de vengeance qui peu à peu bascule en récit d’apprentissage. A l’annonce d’une amnistie générale en faveur des tortionnaires de la dictature, un grand-père envoie son petit-fils, Atim, tuer l’assassin de son père. L’adolescent Atim part pour N’Djamena et ne tarde pas à localiser Nassara, qui s’est rangé et a ouvert une boulangerie. De son lourd passé ne subsiste qu’une trace, sous la forme d’un accessoire de méchant de films américains : un microphone qu’il presse contre sa gorge, en remplacement de ses cordes vocales, coupées.

Pour approcher Nassara, Atim devient son apprenti. Haroun filme patiemment cette situation absurde et violente où un homme apprend au fils de celui qu’il a tué à faire du pain. Et peu à peu Atim semble presque oublier sa mission pour se laisser entraîner par une autre : puisque apprendre, c’est un peu tuer le père, l’assassin du père d’Atim exerce sur l’adolescent une sorte d’hypnotisme muet. Naturellement, au deux-tiers du film, arrive ce qui devait arriver : Atim se voit proposé de devenir le fils adoptif du tueur de son père.

Souvent menacé de crispation solennelle, le film en réchappe par la réduction d’une fable pesante sur la culpabilité et le pardon aux dimensions plus intimes d’une cour intérieure : concentré sur les gestes des personnages et sur les figures flottantes du quotidien, Daratt est tout entier tenu par la sécheresse qu’annonce son titre. Manière de faire retour en dernière instance sur la première cour, celle où le grand-père d’Atim lui donne le pistolet de la vengeance. Retour au politique, à la sécheresse sans foi ni loi d’un pays, le Tchad, plongé dans le chaos de la guerre civile depuis tant d’années.