L’explosion du trafic de coke à Miami au carrefour des 80’s, racontée par ceux qui y étaient (trafiquants, passeurs, pistoleros de tous poils) : Cocaïne cowboys est un documentaire tout ce qu’il y a de plus télévisuel, salmigondis d’interviews et d’images d’archives sans le moindre intérêt formel comme il en échoue, de temps en temps, sur les écrans. Son rapport au cinéma est à chercher ailleurs, et, de ce point de vue, son contenu ne manque pas d’intéresser. « L’histoire vraie qui a inspiré Scarface et Miami Vice », dit la tagline, et le film lui-même, dont la bande-son est confiée à Jan Hammer, est saturé de gimmicks clins d’œil à la série de Michael Mann. Ce qui passionne le plus ici est précisément ce qui faisait le vrai sujet de la série et du film de De Palma : comment ce moment de l’histoire du crime constitue une espèce de laboratoire délirant de l’hyper-libéralisme des 80’s, la pointe aberrante d’une idéologie et un miroir déformant tendu au rêve américain.

Le film évoque, ainsi, la logique de dépense pure dont Scarface faisait son motif. L’explosion de la cocaïne à Miami se vit médiatisée à l’occasion d’un massacre devenu fameux, un règlement de compte qui eut lieu en plein jour à la sortie d’un centre commercial, arrosée sous un torrent de balles. Cocaïne cowboys revient sur l’épisode, fait parler l’un des tueurs à gage, puis tend le micro à une universitaire qui voit dans ce maniement frénétique des armes (l’arrosage deviendra la norme – remember Tony Montana) un symptôme de l’époque et de sa logique dispendieuse. Tout le doc s’emploie à retracer cette logique d’accélération sidérante, et la partie, centrale, qui concerne l’économie de la ville, est la plus édifiante. Elle montre comment Miami, village balnéaire un peu miteux, se vit transformé en une espèce d’eldorado délirant (la Floride était alors le seul Etat excédentaire dans un pays frappé de récession, au point que les banques y manquaient de place pour accueillir les dépôts), une sorte d’empire capitaliste primitif et expérimental – les entretiens réalisés avec les anciens trafiquants rendent compte de l’innocence totale avec laquelle se déploya le trafic, sur le mode d’une table rase. Comme leçon d’Histoire contemporaine, c’est tout à fait fascinant.