On a trop souvent évoqué la misère du cinéma italien actuel pour se refuser à la fraîcheur apportée par cette comédie, pourtant modeste, de Gianni Zanasi. Avec une verve discrètement « morettienne », le film suit le retour à la maison familiale, après quelques années, d’un chanteur de rock au creux de la vague. Dans son registre – le portrait choral d’une famille de gentils provinciaux illuminés – Ciao Stefano vaut par son assurance contenue, qui tend parfois au déroulé indie (avec sa musique pop envahissante, ses enchaînements faciles), mais garde un ton élégamment populaire dont pourraient s’inspirer pas mal de comédies françaises, celles du sinistre faux djeunz Klapisch en tête. Surtout, l’excellent Valerio Mastrandea, tout en retenue burlesque, brille ici de mille feux, s’offrant en parade avec un sens du sacrifice héroïque aux gags qui marchent parfois à moitié et aux mises en situation un peu téléphonées qui se succèdent. Bizarrement surnommé le « Jerry Lewis » italien, l’acteur doit moins aux pitreries flamboyantes de la commedia dell’arte qu’à une sorte de lymphatisme effaré et lunaire, idéal rempart aux carences temporaires du récit.

Porté par ses dialogues aiguisés, son rythme suave et son art très sûr de la nuance douce amère, Ciao Stefano pourrait évoquer, le temps de quelques fulgurances, une sorte de revival nonchalant et revu à la sauce Woody Allen de l’âge d’or de la comédie italienne (le rocker qui plonge dans la foule et s’écrase au sol). Mais c’est avant tout par sa manière de semer mille sous-intrigues laissées en plan à la moindre occasion (la soeur est-elle lesbienne ? la belle prostituée incarnée par une Catarina Murino très sexe va-t-elle tomber amoureuse du frère sympatoche et rondouillard de Stefano ?) que Zanasi, fuyant toute morale au profit de l’échappée belle, rouvre le champ d’un genre ravagé par les films choraux berlusconiens aux mécaniques affreusement huilées, consternantes visions d’une Italie repliée sur elle-même. C’est dans ce goût du pas fini et du flottement, dans cette confiance tranquille en lui-même, malgré la panne qui menace à tout instant, que Zanasi l’emporte in fine sur tous les tableaux.