Après la prise de La Havane et l’installation d’un gouvernement révolutionnaire mené par Fidel Castro, Ernesto Guevara, donc, courut le monde puis s’en vint en Bolivie pour y mener une guérilla. On disait, voici trois semaines, quand Che : L’Argentin sortait en salles, que si Soderbergh avait choisi de présenter son personnage par le menu, par l’énumération de ses actes les plus quotidiens, les plus triviaux, il fallait considérer son film dans son ensemble, comme un geste dont l’exécution certes pâtit des velléités stylistiques d’un cinéaste au fond un peu limité, mais dont l’idée conductrice mérite au moins d’être saluée pour son panache.

Ce deuxième volet est concentré sur la guérilla bolivienne où Guevara finit par trouver la mort, assassiné par l’armée bolivienne, sans doute épaulée par la CIA. Il arrive en Amérique du Sud et on ne le reconnaît pas : grimé en quidam, couronne de cheveux blancs, haut du crâne poli, menton rasé, costume. Au fur et à mesure qu’il s’enfonce dans la jungle, menant une troupe de guérilleros qui se gonfle doucement de jeunes paysans, le cheveux reconquiert un crâne bombé, la barbe s’étoffe : Soderbergh offre par le physique du Che une prise immédiate sur son devenir-Che. Ce procédé est un peu à l’image de ce second volet, qui, prenant le partie de l’aventure sylvestre (une fois entré dans le maquis, on n’en sort plus, jusqu’à la mort de Guevara), se propose d’extérioriser la biographie : par la barbe, par le cheveux, par le sous-bois, une même perspective broussailleuse dessine la figure d’un soldat pris par (ou emmêlé dans) son action.

Autant l’action, dans Che 1, était rectiligne (en route vers La Havane), nette, rythmée, autant ici, par la force des choses et puisque il s’agit de prendre un contre-pied, l’action (disons la guerre, la guérilla) est confuse, répétitive, inutile. Cela donne à ce volet l’allure d’un roman d’apprentissage (n’oublions pas que Guevara, avant de devenir le Che, était un médecin bourgeois portègne), un roman d’apprentissage à la dure : poids du barda, godillots qui font mal, maladies forestières, souffrances en tous genres. La révolution se fait (Che 1) – ou pas (Che 2) – au prix de la sueur, du sang et des larmes : telle est la leçon. Leçon naïve ? Sans doute. La clairvoyance (et l’art de portraitiste) de Soderbergh s’arrête là, c’est une limite qui court tout au long du diptyque, adossée à la certaine impuissance, disons stylistique, du cinéaste : ayant disposé partout de la matière, du bois, des plaies, des collines et des routes, l’exercice prend longtemps pour tourner court. L’image finale – la dépouille du Che enveloppée dans un linge, sur le rebord d’un hélicoptère survolant la forêt – rassemble d’un coup le projet : trimbaler un corps, le mettre partout mais au fond, ne pas vraiment savoir quoi en dire (et puis 4 heures, en tout, c’est long).