Ça y est, on la tient, l’image-symptôme absolue de la tendance la plus agressive de la comédie française, celle qui vient de trouver, avec Incontrôlable, son point de rupture ultime. L’image, c’est : un très gros plan de ouf sur l’anus et les testicules d’un gros clébard potelé, se dandinant au bout d’une laisse sur un trottoir parisien, la caméra le suit en rase-mottes et puis s’en va chercher un petit groupe attablé à une terrasse. Cette dictature du gros plan gueulard, qui a chez nous ses petits hommes de main (au nom du trop fun, du trop ouf), le premier film de Jean-Michel Verner en fait un chapitre parmi d’autres de son manuel de l’épouvante. Entre autres, c’est-à-dire qu’à cet affreux tics s’ajoutent mille petits détraquements -de ouf, donc. Les plus aberrants s’écoutent plus qu’ils ne se voient, la bande-son du film atteignant les sommets. Par exemple, quand le héros du film (G. Depardieu) secoue la tête, on entend « bling bling bling », le bruit d’un petit jouet. Ou bien quand un personnage rêvasse un peu une petite musique de fond (genre ukulele) tapisse les images, puis le retour sur terre est sanctionné d’un bruit de vinyl qui déraille. Il y en a quasiment à toutes les scènes, de ces trouvailles délire, de ces raccords en rideau, de tout cet attirail enfanté par la mauvaise télé, n’en jetez plus. Et de ces très gros plans qu’on vous jette à la face, vous en aurez idée très vite, lorsque Depardieu se trouve face à un flic suicidaire hurlant à deux centimètres de la caméra un flingue à la main.

Ce film qui touche le fond, il s’appelle Célibataires et rebat le sentier tant de fois battu du film de potes trentenaires. Le héros vient de se faire lourdement plaqué et cherche l’âme soeur, plus ou moins réconforté par ses amis : un artiste dilettante, un embrouilleur semi professionnel, un dentiste marié, une vendeuse chez Décathlon (ne cherchez plus, l’âme soeur c’est elle). Célibataires, c’est le genre film de potes, donc + une mise en scène bourrine et boursouflée comme un clafoutis, qui aligne des plans intenables autour de considérations ineptes sur la trentaine et le célibat, mâtinées d’un humour pâteux et insortable. Le film culmine lors d’un mariage indien où un prétexte bidon sert de détonateur à une distribution de bourre-pif. On sent que le film n’y tenait plus, cherchant de la truffe où déverser sa bile de beauferie et d’agressivité primaire, où légitimer son point de vue à hauteur de cul de chien. Misère, misère.