Il y a quelques années, le premier long-métrage d’un jeune Portugais nonchalant, ex-critique de cinéma, ex Championship manager addict, éternel fan du Benfica, nous ravissait, nous maraboutait et nous consolait de tout avec un film de guérisseur appelé La Gueule que tu mérites. Il est sorti en France, personne ou presque ne l’a remarqué. Le deuxième film de Miguel Gomes (lire notre entretien), le jeune Portugais, a en revanche connu la gloire : Cannes (la Quinzaine des réalisateurs), parmi un bon millier de festival, un engouement hype et chic, et déjà – déjà ! c’est absurde – des rétrospectives (à Vienne et Buenos Aires par exemple) portant sur cette oeuvre prometteuse, oui, au moins, mais naturellement trop jeune (deux longs, et une poignée de courts-métrages dont l’un est sublime, certes). De ce qu’elle a montré, de ce qu’elle annonce (un troisième film en chantier autour d’une sombre affaire de crocodile), on sait déjà que son auteur aime à monter ses films les uns contre les autres.

Ce cher mois d’août s’ouvre par un plan sur un renard et des poules (des vrais), puis ne cesse de déplacer le curseur : un peu de documentaire sur les bals populaires d’été dans les villages portugais, un peu de mise en abîme (voici l’équipe du film, réalisateur, techniciens, producteurs en grande discussion), un peu de fiction qui arrive, peu à peu – du mélodrame. Les circonstances du tournage (double tournage en fait, sur deux étés, dans des formats différents), viennent se mêler de ce qui les regarde, et on n’est jamais au bout de nos surprises. En touillant la lave du réel de proximité qu’appréhende d’abord très simplement le film (les vacances à la portugaise, avec les bals populaires et leurs orchestres où les paillettes des gilets se reflètent dans les saxos ou les touches blanches des claviers synthétique), le film finit par atteindre le double-fond des choses : les planétariums, et ce que seuls les ingénieurs du son entendent dans leur casque – du mélodrame. Sous ce programme d’hybridation et de brouillage, une autre matière crépite encore, qui serait la continuation secrète de La Gueule que tu mérites : de la grande aventure, encore, parmi les planètes et les camions de pompiers qui, sillonnant les chemins à l’encontre des feux de forêt, ont l’air de miniatures.